dimanche 13 janvier 2013

Le nickel : miroir aux alouettes ?

Quelques-uns voient dans le nickel
De quoi remplir notre escarcelle !
Ils veulent donc nationaliser
Toutes les mines à leur portée. 1

À l’opposée certain expert,
N’y voit qu’un outil subsidiaire,
Et ils persistent avec ardeur,
À le considérer mineur. 2

Ces deux tendances sont opposées,
Bien que partant des même données.
Mais elles tombent dans l’excès
Parce qu’elles sont politisées.

Les indépendantistes y voient un bon moyen
D’avoir assez d’argent pour être souverain.

Mais en faisant les comptes, le total n’y est pas.
Sans l’aide de la France, on n’équilibre pas
Les dépenses d’un pays totalement autonome,
Même en gérant les choses de façon économe.

Alors ils mettent en cause cette vieille SLN,
Qui, étant trop française, n’est pas calédonienne !
Son domaine minier est à récupérer,
Et sa métallurgie à Calédoniser.

« Maîtriser la ressource » est leur nouveau slogan,
Qui serait le chemin pour être indépendant.
Prenant cette hypothèse, ils préparent un état,
Une constitution, avec un budget gras.

Même étant sous contrôle, tout le domaine minier
Sera-t-il vraiment une rente avérée ?
Car les fluctuations des cours du nickel,
Pourrait nous amener à prendre des gamelles. 3

Le syndrome Hollandais nous a déjà touché :
Pendant les années fastes, des dépenses obligées,
Pour des aides sociales et du fonctionnement,
Sont votés au congrès pour satisfaire les gens.

Toute l’économie est alors entrainée,
Les salaires et les prix tendent à augmenter.
Quand le cours du nickel vient à se dégrader,
Les élus sont contraints de réduire les budgets. 4

Et pourtant aujourd’hui, les transferts de la France,
De cent cinquante milliards juste pour ses dépenses,
Auquel vient s’ajouter des aides bien garnies …   5
Jouent un rôle tampon sur notre économie.

Le pays parait riche, mais sur la corde raide.
Si un fond souverain pourrait être un remède,
Pour le constituer, ce serait vraiment dur,
Il faudrait se serrer plusieurs fois la ceinture. 6

Les indépendantistes courent après le pouvoir,
Mais ils pourraient conduire leur peuple au désespoir.

En revanche ceux qui pensent avec Monsieur Sudrie,
Que le nickel n’est pas au cœur de notre vie,
Oublient les retombées sur les autres secteurs,
Car mines et usines sont gros consommateurs. 7

À travers les salaires et toutes les maintenances,
Le nickel distribue du fric en permanence,
Il alimente ainsi notre consommation,
Donne à l’activité une sacrée impulsion.

Parfois des dividendes, des impôts conséquents,
Amènent à nos budgets un peu de carburant.
Permettant aux élus d’aguicher l’électeur,
En lui distribuant de nouvelles faveurs.

Car la consommation ne pourrait exister,
Si aucune richesse n’était distribuée. 8
Une partie vient du ciel, ou plutôt de la France,
Une autre du nickel, avec moins de constance.

D’autres activités produisent de la richesse,
Mais la plupart d’entrelles n’ont pas vraiment la pèche.
Agriculture, tourisme exportent des clopinettes,
Mais combien de secteurs se servent sur la bête ?

Le nickel n’est pas tout pour la vie le pays,
Mais il reste vital pour notre économie.
Il n’en n’est pas le cœur, mais en règle le pouls.
Et quand son rythme baisse, on ressent les à-coups.
Compter dessus pour tout est, pour sûr, excessif,
Et nous mènerait vite à l’état dépressif.


1 – Article de La voix du FLNKS : « La SLN n’est pas totalement calédonienne ».

2 - Olivier SUDRIE : économiste, maitre de conférences, chargé de conseil en économie auprès du gouvernement de Nouvelle Calédonie.: « Contrairement à une image très répandue mais néanmoins erronée, le cœur de l’économie calédonienne ne bat pas au rythme du nickel. »

3 - Étude sur la création d’un fonds souverain en Nouvelle-Calédonie – mai 2012
Extrait page 16 : Une stabilisation souhaitable de l’économie
« L’activité minière a un poids dans l’économie néo-calédonienne très fluctuant selon l’évolution des cours du nickel. La part de ce secteur dans la valeur ajoutée totale oscille entre 3,2% en 1998 et 18,6% en 2007 avant de redescendre à 5% en 2009. Mais l’influence de la conjoncture du nickel sur l’économie néo-calédonienne ne se limite pas à un effet prix et au secteur minier. Elle dynamise le volume d’activité d’autres secteurs, en premier lieu les sous-traitants (BTP, maintenance, chaudronnerie, etc.). Ainsi la croissance du PIB en volume se révèle étroitement liée aux fluctuations des cours du nickel durant la décennie 2000 ».
Extrait de la conclusion page 24
« L’économie néo-calédonienne apparaît très dépendante de la conjoncture du nickel. La mise en service des deux nouvelles usines ne peut qu'accentuer cette dépendance et par conséquent renforcer le besoin de stabilisation de cette économie … »

4 - Étude sur la création d’un fonds souverain en Nouvelle-Calédonie – mai 2012
Extrait page 6 : La malédiction des ressources naturelles
« Durant les phases de cours élevés des matières premières, les effets défavorables ne se limitent pas à ceux de la maladie hollandaise. L’abondance de recettes budgétaires peut favoriser un accroissement des dépenses courantes, notamment des salaires et des transferts sociaux, parfois concédé pour des motifs électoralistes et néanmoins peu réversible lorsque la conjoncture économique se retourne. Elle risque également de conduire à des investissements publics peu rentables ou trop ambitieux, dont le financement de surcroît peut souffrir d’un manque de continuité en raison de la forte instabilité des recettes budgétaires. »

5 - IEOM Rapport annuel 2011 – Nouvelle Calédonie, page 67
« Les dépenses de l’État en Nouvelle-Calédonie sont restées stables en 2011 à 147,3 milliards de F CFP. La légère baisse des dépenses de personnels et pensions (-1,6 %) et d’interventions (-1,2 %) a été compensée par l’augmentation des dépenses de fonctionnement (+10,0 %). En 2010, la dépense de l’État représentait 18 % du PIB. »

6 - Étude sur la création d’un fonds souverain en Nouvelle-Calédonie – mai 2012.
Extrait page 26 : De faibles ressources pour un fonds souverain.
« À l'aune de cette comparaison avec un pays exportateur d'un minerai métallique, dont le fonds souverain est cité en exemple pour son bon fonctionnement, et compte tenu de l'absence de revenus supplémentaires liés aux deux nouvelles usines, les ressources de la Nouvelle-Calédonie semblent actuellement faibles pour alimenter un fonds conséquent. Elles devraient le demeurer, sauf à modifier la fiscalité ou à engager durablement un effort budgétaire. »
Extrait page 25 : Conclusion.
Pour constituer un fonds d'épargne qui puisse à terme représenter une richesse conséquente pour les générations futures, un effort budgétaire important devrait être réalisé sur une très longue période. À défaut d'un tel engagement nécessairement contraignant, les ressources devraient permettre d'abonder un fonds de stabilisation, les versements et gains financiers devant au minimum couvrir les retraits au long d'un cycle économique.

7 - IEOM Rapport annuel 2011 – Nouvelle Calédonie
Extrait page 98
« Le secteur du nickel a été l’un des moteurs de la croissance de l’économie calédonienne, sur la dernière décennie, par l’ampleur de ses investissements avec les différents projets de création d’usines métallurgiques. Premier secteur exportateur du territoire, son impact sur la balance commerciale est également déterminant. »
 « Le secteur du nickel représente 18 % de la valeur ajoutée en 2007 (après 12 % en 2006). Cette augmentation est due à l’évolution favorable des cours du nickel, le cours moyen du nickel au LME atteint 16,9 USD la livre contre 11,0 USD en 2006. »

8 - Voir à ce sujet mon post du 10/04/2012 : « Sudrie ou le bonheur par la consommation » (cliquer)

Documents cités téléchargeable en ligne :

IEOM Rapport annuel 2011 – Nouvelle Calédonie

Étude sur la création d’un fonds souverain en Nouvelle-Calédonie – mai 2012.


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Inspiration : article des Nouvelles Calédoniennes du 08/01/2013

À la conquête du nickel
Les retombées financières issues de l’exploitation du nickel ne peuvent faire vivre le pays, aujourd’hui. Conscients de l’enjeu à la fois économique et politique, les partis indépendantistes réclament, en chœur, un changement des règles. Des plans se préparent.

La pluie de billets est tombée il y a quelques mois. Le pays touchait 20 milliards de francs de la SLN au titre de la distribution des dividendes. Au-delà de l’opération d’une ampleur rare, la question sur la capacité d’une Nouvelle-Calédonie pouvant vivre de son nickel, refaisait gentiment surface. Des économistes ont déjà pris la calculette. Les revenus de « l’or vert » ont compté, en moyenne, pour 10 à 12 % du produit intérieur brut calédonien, sur les dix dernières années. « Contrairement à une image très répandue mais néanmoins erronée, a indiqué le consultant Olivier Sudrie, le cœur de l’économie calédonienne ne bat pas au rythme du nickel. »
Dans son dernier rapport tant commenté sur le « schéma stratégique industriel », l’experte Anne Duthilleul enfonçait le clou. « Il est peu probable que, malgré leur ampleur croissante si tout va bien, ces retombées financières permettent de subvenir à terme à tous les besoins des collectivités publiques calédoniennes » écrivait la polytechnicienne. En outre, « les recettes fiscales ne suffisent pas à elles seules à fonder tout l’avenir économique du territoire à long terme ». Une affirmation politiquement sensible.

Elections : Au sein de la mouvance indépendantiste, « tout le monde en est conscient », l’exploitation du minerai rapporte aujourd’hui, « mais ce n’est pas suffisant » pour bâtir une véritable souveraineté, entend-on lors de réunions. En clair, les règles actuelles dans le secteur du nickel ne plaisent pas, car profitent trop faiblement au développement local. Au cours de leur congrès 2012 respectif, du Parti travailliste à l’Union calédonienne, du Palika à l’UPM, un même message a alors traversé les discours : maîtriser la ressource, soutenir la participation majoritaire du pays dans le capital des entités de valorisation.
Les annonces de ces objectifs convergent au moment où, dans la perspective des élections de 2014, ces partis veulent rassurer la population sur les financements du territoire. Au moment où, aussi, l’emblématique usine du Nord s’apprête à produire. Où enfin, le monde des grands groupes industriels est en mouvement. « C’est essentiel pour un pays, qui construit son émancipation politique et économique, de se doter d’un véritable outil stratégique comme en possèdent la plupart des pays souverains, souligne un article paru dans le journal La voie du FLNKS et titré « La SLN n’est pas totalement calédonienne ».

Plans : L’UC a exprimé sa petite idée. La SMSP intégrerait la participation des trois provinces, avec l’entrée donc souhaitée de Promosud. Une structure « pays » récolterait les dividendes, et créerait la diversification, par exemple dans la pêche, le transport maritime, la recherche, etc. Car est visée également, et surtout, une prise de contrôle de la SLN à travers une montée de la STCPI à plus de 50 %, dans le capital. Pour y parvenir, « il y a différents plans », note sobrement un responsable indépendantiste. Comme l’échange d’actions transférées à la STCPI, instrument des provinces, entre Eramet et SLN une formule pas si simple. Ou encore l’achat des parts...
La Société Le Nickel n’est pas une cible économique par hasard. La filiale d’Eramet est la principale industrie du territoire, avec plus de 2 200 salariés. Et dans sa besace, se trouve pas moins de 55 % du domaine minier calédonien. Une position prépondérante. Avoir la main sur la SLN, revient à détenir une superficie riche et étendue. Les opposants à ce schéma évoquent « un affichage », craignant sans doute aussi l’effet tache d’huile au Gabon où la major tricolore possède des intérêts. Les partisans eux y croient dur comme... fer.

Le chiffre : 50, D’après l’experte Anne Duthilleul, « au rythme d’exploitation que connaîtra le territoire après le démarrage des deux usines en construction », les volumes de minerai en Calédonie représentent environ cinquante ans d'activité pour les garniérites, et cent cinquante ans pour les latérites

Repères : Qu’en pense l’État ? Un autre préalable minier ?
Le candidat à l’élection présidentielle, François Hollande, futur président de la République, avait inscrit le dossier « nickel » dans ses engagements pour le territoire. « Je veillerai à la maîtrise (du) développement par la Nouvelle-Calédonie, en particulier en ce qui concerne le développement industriel et minier, l’État s’engageant à conserver le contrôle de la SLN ». Autrement dit, le dirigeant socialiste accepterait une montée de la STCPI, représentant les trois provinces, à 51% dans le capital de la société basée à Doniambo. Et ce, tout en veillant à ne pas déstabiliser Eramet.

L’ambiance de cette fin 2012 ravive chez certains le souvenir du « préalable minier ». Un épisode qui a alimenté l’actualité de 1995 à 1997 et a abouti, après bien des péripéties, à l’Accord de Bercy signé en février 1998 par les dirigeants de la SMSP, d’Eramet-SLN et Dominique Strauss-Kahn, alors ministre des Finances.

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