samedi 5 janvier 2013

Drapeau(x) : ethnique, citoyen ou national ?


« Enlevez ce drapeau qui cache mon soleil », *
Le symbole était fort et l’expression formelle.
Yeiwene Yeiwene ne mâchait pas ses mots,
Voilà plus de trente ans, il tenait ces propos.
Le drapeau tricolore devait être banni.
Mais après tant d’années, qu’en est-il aujourd’hui ?

* Interpellation du ministre socialiste de l’outre-mer, Henri Emmanuelli,
venu en 1981 sur Maré, devant le drapeau français


Les choses ont bien changé, du moins en apparence,
Après une guerre civile, parsemée de souffrances,
Deux mains se sont serraient, sous l’égide de la France,
Des accords marquèrent la pleine reconnaissance
D’une société Kanak, avec ses exigences,
D’un peuple, d’une culture, … et ses ambivalences.

Aujourd’hui deux drapeaux sont dressés côte à côte,
Provoquant des disputes entre des patriotes.
Patriotes Kanak, patriotes français,
Ils pensent qu’une commission va pouvoir tout régler.
Mais la proposition semble mal formulée,
Enfermant les élus dans un choix obligé.

Un seul drapeau ?

LE drapeau du pays doit être dessiné,
UN graphisme commun doit être proposé.
Oui, l’accord a prévu des signes identitaires,
Où une hiérarchie s’impose aux partenaires.
L’identité kanake reste prioritaire,
Discriminant l’ethnie, sans être égalitaire.*

* Le premier titre de l'accord de Nouméa prévoit que : « des signes identitaires
du pays … drapeau … pour exprimer l'identité kanak et le futur partagé entre tous ».

La question du drapeau, et des autres symboles,
Génère dans les esprits diverses paraboles.
Chacun voudrait y voir ses propres armoiries,
Évoquant son passé, son avenir aussi.
Mais dessins et couleurs sont bien superficiels, 
Et ne sont, pour le droit, que des supports véniels.

Trois notions imbriquées …

L’identité ethnique marque ses distinctions,
Chacune voulant montrer quel est sa filiation.
N’en retenir qu’une seule, qui se dit la première,
C’est récuser les autres, et les mettre derrières.
D’autres communautés ont aussi leurs coutumes,
Une culture, une histoire, qui restent  bien anthumes.

La citoyenneté en fait la conjonction,
Malgré les différences, elle donne une cohésion.
Kanak, européens, wallisiens, futuniens,
Tahitiens, indonésiens … tous sont calédoniens !
Car ils ont en commun plus d’un siècle d’histoire,
Créant entre eux des liens plus que propitiatoires.

La nationalité donne une dimension,
Dans un monde vorace pour les demi-portions.
Elle ne peut tenir compte des races et des couleurs.
Et se doit de défendre un socle de valeurs.
Encore faut-il qu’elle soit suffisamment puissante,
Pour bien nous protéger de hordes envahissantes.


Reconnaître … sans démettre !

Afin de satisfaire toutes les communautés,
Il faut les reconnaître dans leur diversité,
Tout en faisant en sorte que dans leurs attitudes,
Elles intègrent vraiment la calédonitude.
Quant à l’aspect nation, nous sommes encore Français,
Notre emblème, sur ce point, est donc tout trouvé.

Monter ces deux drapeaux fut une belle avancée,
Mais bien insuffisante pour tout symboliser.
Le drapeau tricolore figure la nation,
Et nous englobe tous, sans aucune exception.
Mais le drapeau Kanak, que nous reconnaissons,
Ne représente qu’une part de la population.

Faut-il que chaque ethnie, chaque communauté,
Dispose d’une bannière en exclusivité ?
Peut-on les unifier dans un grand pictogramme,
Où le destin commun y trouverait une âme ?
En tout cas il est sûr qu’un drapeau national
Au couleur d’une ethnie aurait un goût racial !

La commission d’élus devra se décrisper,
Imaginer des choses jamais envisagées.
On n’est pas souverain parce qu’on a un fanion,
Mais bien parce que l’on est dans une grande nation.
Une seule bannière contenant trois notions,
C’est peut-être faire preuve d’une grande prétention !



L’avis du Conseil d'Etat n° 386.981 du 9 octobre 2012 peut être téléchargé ici : 

Analyse du 28/10/210 de Mathias Chauchat, professeur des universités, agrégé de droit public.



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Les nouvelles Calédoniennes du 28/12/2012

Le Congrès porte-drapeau

L’institution a validé hier matin la création d’une commission spéciale chargée de rechercher en commun le drapeau du pays. Cette entité devra rendre sa copie avant la fin du mandat actuel, en mai 2014, mais ses chances d’y parvenir sont minces.
La proposition de délibération avait été déposée le 9 avril 2012 pour l’anniversaire de la marche pour un drapeau commun, en pleine campagne des législatives.
Photo Archives LNC

Il ne restait plus que la validation du Congrès. C’est chose faite depuis hier matin. Déposée le 9 avril par le leader du LMD, et Philippe Michel de Calédonie ensemble, la proposition de délibération en faveur de la création d’une commission spéciale chargée de soumettre un drapeau commun a été adoptée. Seul le Parti travailliste s’est prononcé contre.

Superflue. « Nous avons une vision d’avenir et nous avons déjà le drapeau qui va avec. C’est pour cela que nous ne participerons pas à cette commission. Pour nous, elle est superflue. Rien n’en sortira. Si certains le croient, pas moi. Et il est hors de question que nous perdions du temps avec ça », a lancé, catégorique, Louis Kotra Uregei. De son côté, Didier Leroux, qui a voté pour cette proposition, a expliqué qu’il y était favorable surtout parce qu’elle émanait de Calédonie ensemble. « J’y vois l’occasion d’éteindre un incendie qu’ils ont allumé. Si dans un camp, lorsque quelqu’un fait un geste vers l’autre, des gens de son propre camp le stigmatisent ou fusillent cette initiative, alors personne n’osera bouger le petit doigt lors des discussions qui vont s’ouvrir en 2014, a-t-il précisé. Je dis cela à Calédonie ensemble. Parce que si en 2014 on assiste à la même campagne qu’aux législatives, peut-être qu’ils gagneront les élections, mais la Calédonie y perdra beaucoup. » Pour le rassemblement-UMP, le lever des deux drapeaux constitue toujours la reconnaissance des deux légitimités, celle du peuple premier et celle de la France, « la légitimité démocratique en Nouvelle-Calédonie ».

Satisfaction. « Tant que le drapeau kanak flottera, nous sommes sûrs que le drapeau français, qui est notre drapeau, flottera également sur la Nouvelle-Calédonie », a expliqué de son côté Pierre Bretegnier.
Pour Calédonie ensemble, qui a fait campagne pour un drapeau commun, cette validation est une grande satisfaction. « Les Comités des signataires 2010 et 2011 ont indiqué que le drapeau FLNKS était levé à titre transitoire, dans l’attente de la recherche en commun et de l’adoption, comme prévu par l’accord de Nouméa, d’un drapeau représentant l’identité kanak et le futur partagé entre tous. Nous avions déjà déposé deux vœux en 2010 et 2011 en ce sens, mais ils n’avaient jamais été examinés par le Congrès », précisait Philippe Michel. Jacques Lalie, du groupe FLNKS, a voté favorablement en expliquant que cette commission est dans l’esprit des discussions qui doivent animer les élus à l’approche de 2014.
Composée de deux représentants de chaque groupe politique et d’un représentant par formation politique au Congrès, elle devrait se mettre en place en 2013. Il a été avancé hier que ses membres soient proposés lors des séances des 8 et 9 janvier. Le Rump a déjà positionné Cynthia Ligeard et Léontine Ponga pour son groupe. Une bonne année de travail s’ensuivra. Car cette entité devra rendre sa copie avant la fin du mandat actuel, c’est-à-dire en mai 2014. Mais déjà, certains comme Pascal Vittori de l’Avenir ensemble ou Simon Loueckhote du LMD souhaitent une poursuite sereine des travaux au-delà de cette date, ce qui en dit long sur les espoirs de s’accorder sur des couleurs communes.
 
L’essentiel
- Le premier titre de l'accord de Nouméa prévoit que « des signes identitaires du pays, nom, drapeau, hymne, devise, graphismes des billets de banque devront être recherchés en commun pour exprimer l'identité kanak et le futur partagé entre tous ». Le chantier a avancé pour l'hymne, la devise ou le graphisme des billets de banque. Pas pour le drapeau et le nom du pays.

- En juillet 2010, suite à une proposition de Pierre Frogier, le Congrès émet le vœu que soient levés ensemble le drapeau français et le drapeau Kanaky sur les édifices publics. Le 17 juillet, le Premier ministre François Fillon, en déplacement officiel en Calédonie, hisse pour la première fois le drapeau Kanaky et le drapeau français ensemble sur le siège du haut-commissariat.

- Le lever des deux drapeaux a suscité une vaste polémique dans le pays. Soutenue par le Rump,  l'Avenir ensemble, l'UC et le Parti travailliste, l'idée est rejetée par Philippe Gomès et Calédonie ensemble, qui proposent leur propre projet de drapeau local inspiré de l'exemple sud-africain.

- La question du drapeau a une nouvelle fois été inscrite à l'ordre du jour du Comité des signataires, le 6 décembre. Il a été convenu que les deux drapeaux continueraient à coexister « dans l’attente du résultat des travaux de la commission chargée de réfléchir à un étendard », mais « sans que cela n’obère la recherche du drapeau par les partenaires calédoniens. »

Que pensez-vous de la création d’une commission spéciale pour réfléchir à un drapeau commun ?

Patrick, Bourail
« Pour un drapeau réfléchi »

« Je suis pour le drapeau commun, pour un vrai drapeau à travers lequel chacune des communautés se retrouve. Le gouvernement a pris la bonne décision en mettant en place cette commission spéciale. Car le choix du drapeau commun doit être quelque chose de réfléchi, pas comme c’est fait actuellement. Et puis c’est inscrit dans l’accord de Nouméa, il faudra donc s’y soumettre. »

Josette, Nouméa
« C’est se prendre la tête »

« Je ne suis pas contre ce drapeau, mais je n’y ai pas forcément réfléchi non plus. Continuer à avoir deux drapeaux serait dire qu’il y a deux pays ici. Reste à savoir si un drapeau commun changera quelque chose au débat sur l’indépendance et s’il est vraiment utile de créer une commission pour y réfléchir sans relancer le débat. Je crois encore une fois que c’est se prendre la tête pour pas grand-chose. »

Taune, Lifou
« Je m’en remets au FLNKS »

« Il n'y a pas de raison de rechercher un autre drapeau que celui du FLNKS. Les négociations des accords se sont faites avec ce drapeau. Il représente la lutte et l'aboutissement d'un consensus vers un destin commun. J'ai vécu en Bretagne, dans les milieux où les activistes revendiquent leur drapeau et leur identité. Et si cette commission est créée, je m'en remets au FLNKS pour avancer sur la question. »
Grégory, Nouméa
« Pourquoi ne pas voter ? »

« Quand nous saurons vivre tous ensemble, nous n’aurons pas besoin de drapeau pour le faire savoir. Mais ce signe identitaire peut nous aider à aller de l’avant, alors il faudra que cette commission spéciale soit composée d’élus issus du gouvernement et de Calédoniens de tous bords. Et une fois les idées développées, pourquoi ne pas nous consulter, pourquoi ne pas voter pour ce qui nous correspond le mieux ? »

Sarah, île des Pins
« Pas besoin de débat »

« Pas besoin de débat, surtout après ce qui a été fait aux cases. C'est le drapeau kanak qui doit être le drapeau du pays après 2018. Ça sera ce drapeau, ou bien le pays reste colonisé. Mais cela ne veut pas dire que l'on rejette les autres. Ceux qui veulent rester devront accepter ce drapeau et l'on pourra avancer. Alors la création d'une commission spéciale est une perte d'argent et de temps. Il y a d'autres sujets plus importants à traiter. ».
 Ludovic Lafon
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Les nouvelles Calédoniennes du 29/12/2012
Lointain drapeau

Trouver un étendard qui rassemble, qui unit, qui exprime « l’identité kanak et le futur partagé entre tous » : c’est la délicate mission qui a été confiée jeudi par les élus du Congrès à une commission spéciale composée de dix-huit membres. Sur le fond, rien à dire. La création de cette entité permet non seulement d’éteindre la polémique suscitée par le lever des deux drapeaux mais surtout d’associer l’ensemble des groupes politiques au dossier, sans que personne n’ait l’impression d’être placé sous le fait accompli. Sur le calendrier par contre, nos élus semblent un tantinet optimistes. Penser en effet que la commission va pouvoir formuler des propositions constructives en mai 2014, soit quelques jours avant des échéances électorales majeures, paraît franchement irréalisable. Les tensions politiques actuelles sont telles qu’il ne faut pas s’attendre à de grandes avancées, quel que soit le domaine, en 2013. Clé de répartition, réforme fiscale…Les gros dossiers devront au minimum attendre le verdict des urnes pour être traités. Et le choix du drapeau commun ne fera pas exception à la règle. Le temps des élections n’est jamais le temps des concessions et des propositions novatrices. Personne n’ayant vraiment envie d’en payer le prix. Autant dire que les deux drapeaux vont continuer à flotter quelques années sur les édifices publics du pays. Chacun sa légitimité en attendant, un jour peut-être, de se retrouver derrière le même étendard.
Xavier Serre
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