mardi 26 février 2013

De la spoliation à la rente !

Ou l’indépendance par le foncier !

Inspiration : Article LNC du 23/02/2013
L’ADRAF et les coutumiers ont signé pour mille hectares
Voir en fin de post
« La terre ne nous appartient pas,
C’est nous qui lui appartenons ».
Mais rien ne dit qu’on n’en veut pas,
Quand elle rapporte du pognon.
C’est juste un discours nécessaire,
De revendication foncière.

La terre … pouvoir vital …

Entre la Terre et l’Homme, c’est une longue histoire.
Qui appartient à l’autre ? J’aimerais le savoir ?
Car dès leur origine, pendant la préhistoire,
Les hommes se battaient pour garder leur terroir,

La terminologie était bien différente
On parlait de domaines et des terres attenantes,
Permettant au seigneur d’assoir sa puissance,
Laissant le paysan cultiver sa pitance.

Ce n’est que récemment que la notion est née,
Vers le dix-huitième siècle, on dit « propriété ». 1
Le commerce grandissant, comme les productions,
Imposèrent, à la terre, une valorisation.

Au sens européen, c’est du capitalisme,
Au sens océanien, plutôt du mysticisme.
Outil de production ou de structure sociale,
Celui qui en dispose, a un pouvoir vital.

Que ce soit en tribu ou devant un notaire
Il y a bien quelqu’un qui attribue la terre.
Que ce soit un vendeur ou un chef coutumier,
C’est par sa volonté que la terre est cédée.

Et pour une expulsion ou un bannissement,
L’expression du pouvoir est celle du « disposant ».

Sans terre … c’est la galère …

La spoliation de terres est une réalité
Qui, sous diverses formes, a toujours existée.
Dans de nombreux pays, la pratique persiste,
À des degrés divers, et cela est bien triste.

Il faut s’en inquiéter pour ceux qui sont exclus,
Qui, chassés de leur terre ou bien de leur tribu,
Sans abris, ni jardin, errent dans l’inconnu,
Ne sachant où aller, ils sont mis au rebus.

Dans de nombreux pays, libres et indépendants,
Le foncier est soumis à un droit partisan.
Même ayant un logis, ruraux et citadins,
Ne peuvent être certains qu’ils y seront demain. 2

La colonisation a eu ses spoliations.
Aujourd’hui des pays se vendent par portion,
Pour une agriculture tellement étendue,
Que la population se retrouve « à la rue ». 3

Le droit commun encadre l’expulsion d’un logis,
Le droit particulier, est-il aussi précis ?

La propriété … collective …

L’histoire nous conduit à faire cohabiter
Deux notions différentes de la propriété.
L’une de droit commun, permet les transactions,
L’autre en droit coutumier, interdit la cession.

L’intention d’origine, autrefois accessoire,
Est, de fait, aujourd’hui outil confiscatoire.
La cession aux kanaks étant irréversible,
Toute terre cédée devient inaccessible.

Or la réforme foncière, depuis bien des années,
Rétrocède aux kanaks, des hectares par milliers. 4
En regardant les chiffres, on doit se demander,
Si ce statut foncier ne va pas nous piéger ?

À force de réduire la place du privé,
Le communautarisme sera privilégié,
Puis le collectivisme en prendra le relais,
Avant de s’effondrer, comme l’histoire l’a montrée.

La terre … rentière …

Il faudra quelques temps pour en arriver là,
En attendant la terre se louera par contrat.
Sa valeur culturelle restera affirmée,
Pour qu’elle ne puisse jamais être rétrocédée.
Son poids économique sera, lui, monnayé,
Pour faire des coutumiers, des mandataires rentiers. 5


La contrition … éternelle … 

Les experts nous expliquent que des populations,
Furent privées de leurs terres par des peuples colons.
Ils nous rendent comptable d’un passé séculaire,
À chaque génération, la dette se réitère.

La mondialisation de la « bonne pensée »
Impose une contrition éternelle à l’excès.
Car nous avons deux droits très inégalitaires,
Un confine au racisme par ses cotés pervers.

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1 - « La société française a pu vivre sans propriété absolue jusqu’au 18° siècle, les catégories du droit médiéval privilégiant la notion de domaine, éminent pour le seigneur, utile pour le tenancier. »

2 – Quelques exemples :
Au Philippines, on estime que 57 % des citadins et 67 % des ruraux vivent dans des logements sans posséder de titre de propriété.
Au Pérou, 53 % des citadins et 81 % des ruraux habitent des implantations extralégales.
En Haïti, 68 % des citadins et 97 % des ruraux vivent dans des logements sur lesquels personne ne détient de titre juridique certain.
En Égypte, 92 % des citadins et 83 % des ruraux sont dans le même cas.
« Les pays en développement et ceux autrefois communistes sont dotés d’une législation peu efficace en matière de droit foncier. »

3 - « Des États, des fonds souverains et des entreprises ont acquis d’immenses superficies arables dans les pays en développement. Si l’ampleur du phénomène reste à mesurer, les risques de cette apparente « ruée sur les terres » sont patents, de la spoliation des paysans à la flambée du foncier, en passant par les dégradations environnementales.
Pourtant, il est nécessaire de procéder à un apport massif de capital dans les filières agricoles des pays du Sud si l’on veut nourrir neuf milliards d’hommes en 2050. Les cessions d’actifs agricoles sont donc appelées à s’intensifier. L’urgence consiste à les encadrer pour les rendre profitables aux investisseurs comme aux populations locales. »


4 - « Au total, depuis le début de la réforme foncière, 120 000 hectares de terres ont été attribués en terres coutumières, s’ajoutant aux 175 000 hectares des réserves de la Grande Terre, constituées depuis la fin du 19e siècle. »
NDLR : Si l’on tient compte des îles loyautés (environ 204 000 hectare de réserve intégrale), la Nouvelle Calédonie comptait en 2010 environ 500 000 hectares de terres coutumières, pour environ 297 000 hectares de propriétés privées. 

1978
2010
Terrains privés
22%
16%
Terres coutumières
20%
27%
Stock ADRAF
0%
1%
Terres des collectivités
58%
56%


5 - « Ces enjeux fonciers sont démontrés à l'exemple de la fédération « Djelawe » et de deux tribus (Oundjo et Baco) en proximité du site industriel de la future « usine du Nord », construite par un consortium de la SMSP locale et du groupe suisse Xstrata (projet Koniambo). Depuis un certain temps, la protection de l'environnement devient une préoccupation de plus en plus importante des acteurs locaux. Ce discours environnementaliste est cependant souvent instrumentalisé pour atteindre des objectifs « politico-fonciers »: une reconnaissance foncière et des royalties. Ainsi, les revendications foncières s'inscrivent dans un jeu de prestige et de pouvoir entre clans et familles. L'aspect socio-économique de l'environnement semble être clairement plus important que l'aspect bio-physique. »
Matthias Kowasch - Institut de Recherche pour le Développement, New Caledonia

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Article de Nouvelles calédoniennes du 23/02/2013
Païta, l’ADRAF et les coutumiers de N’dé et Naniouni
ont signé hier mille hectares pour deux tribus.

L’Adraf a attribué hier un millier d’hectares aux tribus de N’Dé et de Naniouni, au cours d’une cérémonie symbolique. Au prix d’une innovation juridique, cette cession vient clore un conflit foncier né au début des années 2000.

Le protocole a été paraphé à N’Dé (sur la photo) puis signé à Naniouni. De dos, le grand-chef Clément Païta (à gauche) et le président du conseil de N’Dé, Philibert At-Chee.
L’émotion était bien marquée, hier après-midi, au cours des cérémonies d’attribution de 1 000 hectares de terrains Adraf aux tribus de N’Dé et Naniouni.
« Humilité », « respect », « la terre ne nous appartient pas, c’est nous qui lui appartenons »... Les différents orateurs du geste coutumier de N’Dé ont beaucoup insisté sur la symbolique de l’événement. Ils ont été relayés par les gens de Naniouni une heure plus tard, au cours d’une cérémonie différente, bien que l’attribution soit commune aux deux tribus.
De l’histoire de l’Adraf (Agence de développement rural et d’aménagement foncier), « c’est la première fois que nous réalisons une attribution [de foncier] à des tribus, a noté de directeur de l’agence foncière, Jean-François Nosmas. D’habitude, ce sont des GDPL (Groupements de droit particulier local). » Il a même fallu modifier le code des impôts pour garantir à cette cession les mêmes avantages fiscaux qu’une démarche Adraf classique.

Élevage : La zone cédée faisait jusqu’alors partie des ex-propriétés Girard et Constant, de la société Les Niaoulis et de la société Coui. Sur ce dernier lot, l’entreprise d’élevage bénéficie d’un bail valable jusqu’en 2016. Les mille nouveaux hectares sont devenus sol coutumiers, depuis hier.
Tour à tour, les différents intervenants du dossier se sont félicités de cette perspective.
Justin Gaïa (conseiller municipal), Richard Poido (chargé de mission au haussariat), Thierry Suquet (secrétaire général du haussariat) ont fait part de leur satisfaction.
A N’Dé, Christophe Gaia (vice-président du conseil des anciens) et Philibert At-chee (président du même conseil) leur ont répondu. Après la cérémonie, un homme de N’Dé a simplement regretté l’utilisation, erronée selon lui, d’un nom dans le dossier ayant servi à constituer le dossier d’attribution. Sans que cela ne contrarie la signature du protocole.
Cette cession foncière s’accompagne d’un schéma de développement, établi avec le haussariat et les acteurs locaux, qui devra notamment permettre l’intensification de la vie économique dans le secteur.

Conflit : C’est sur ce point qu’a insisté Harold Martin, maire et président du gouvernement. « Ce n’est que le début du chemin. L’objectif est bien de donner une vocation de développement à cette terre. Dans cette affaire, il ne faut pas mollir. Comptez sur moi pour ne pas s’arrêter là. »
Après les signatures, les participants ont levé un verre de l’amitié, saluant l’aboutissement de longues démarches. Le travail sur cette cession est consécutif au conflit qui avait éclaté, en 2003, en marge de la construction du lotissement Naïa, soutenue par la province Sud (une zone pittoresque, théoriquement inconstructible, a été déclassée après le début du chantier) mais contestée par une partie des coutumiers. Après des mois de tension, cela avait abouti à la séparation de Naniouni-N’Dé en deux tribus distinctes.
Comme une compensation, l’agrandissement notable des anciennes réserves est venu apaiser la situation.
Le principe nouveau de céder des terres à des tribus directement est étudié dans les régions de Thio, Koné et Poindimié, a révélé l’Adraf.

Une longue histoire
La géographie humaine de Naniouni-Ndé a été bouleversée tôt par la colonisation, selon l’historien Alain Saussol (L’Héritage, 1979, pages 158 à 164). En 1867, face à l’avancée du front européen à Saint-Vincent, l’administration proposa aux populations autochtones un territoire séparé, à Naniouni, Karikaté et Tamoa. La réserve de Naniouni, découpée en 1868, se composait de 100 hectares de terres impropres à la culture, complétées par une chefferie (100 ha également, où se trouve la tribu actuelle) et deux accès à la mer (à Tiaré et N’Dé, 20 hectares au total).
Au cours du siècle suivant, les frontières de la réserve ont été « réduites, élargies ou déplacées au gré des gouvernements et des politiques, laissant leurs habitants dans l’insécurité de leur propre environnement, dont on avait promis l’inviolabilité », rapporte l’historien, sur la foi de documents administratifs d’époque. Les zones en bord de mer (Tiaré et N’Dé, où se trouvaient des habitats antérieurs à la colonisation) avaient été déclarées « inaliénables » dès 1870.
Ma.B.
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