lundi 20 avril 2020

À Madame F.


Madame, sur Facebook, une divergence d’idée,
Vous fit me dévoiler des pans de votre vie.
D’abord un peu surpris d’une telle mise à nue,
J’ai compris qu’il fallait que j’en dise un peu plus.

Vous fûtes invitée aux tables des plus grands,
Patrons, ambassadeurs, et futurs présidents,
Milliardaires, politiques, banquiers et avocats.
Je vois qu’il vous fallait vraiment de l’estomac !

Quel CV dînatoire !
J'en suis au désespoir.
Juste quelques repas
Avec des gens d'en bas,
Et quelques apéros
Avec des prolos
Qui n’ont jamais été
Que de bons ouvriers,
Et que je remercie
D’être encore mes amis.

Vous m’avez précisé, dans votre synopsis,
Être une quadrilingue et une « Bac plus six ».

Je parle que Français,
J’ai bien peu étudié,
Juste ce qu'il fallait
Pour pouvoir travailler,
Faire des routes et ponceaux,
Créer quelques locaux,
Puis dans des réunions
Faire des négociations
Pour aider ma cité,
En toute humilité.

Vous connaissez le monde, vous y avez tourné,
Et plutôt bien l’Afrique où vous coopériez.

Je n’ai fait qu’habiter
Dans des endroits français,
Dans trois ou quatre villes
Où j’étais peu mobile.
Le plus clair de ma vie,
C’est en Calédonie
Qu’elle s’est écoulée.
Et sans publicité.
Une vie ordinaire
Avec ces galères.

Mais vous voulez toujours en savoir un peu plus,
Alors vous provoquez, vous jouez la goulue.
Ne me connaissant pas, vous m’avez fantasmé,
Mélangeant le mépris à la méchanceté.

Affirmant que je suis demeuré et borné,
N’ayant aucun courage, aucune virilité.
Et aussi en surpoids, Barbu aux cheveux gris,
Je ne serais qu’un beauf aux neurones confits !
Beaufs : Homme peu cultivé, vulgaire, étroit d'esprit et phallocrate.
J’aime vos spéculations, pour le moins puériles,
Qui tendent à faire passer les autres pour débiles.
Elles montrent votre savoir et votre esprit agile,
Prompt à la réflexion et aux propos … stériles.

Et vous me conseillez,
Comme vous, de faire du sport ?
Je ne suis pas figé
Face à quelques efforts.
J’aère mes neurones,
Et ma testostérone !
D’autres activités
Me font bien transpirées.
Et je fais, c’est banal,
Du sport cérébral.

Vous dites : Never too late ! Alors n’hésitez pas.
Venez vous mélanger aux ignares d’en bas.
À ceux qui ont vidé vos poubelles tant d’année,
Ou fait votre ménage sans jamais sourciller.

Never too late ! Sortez du ghetto du gotha.
Regardez de moins haut, pour mieux voir les dégâts
Qu’ont fait vos commensaux sur les peuples d’en bas,
Ceux qui restent discrets dans leur anonymat.
Commensaux : personne qui mange habituellement à la même table qu'une autre.

Never too late ! Bien sûr, pour n’être plus bouffon
De tous ces gens puissants qui sont tous vos patrons.
Pour laisser aux placards des cultures empruntées
Qui vous font oublier là où vous êtes née.

Never too late ! Pour ne plus relayer des faux,
Sur lesquels sont collés des montages photos,
Pour titiller les yeux et exciter les sots.
L’excès détruit le vrai et amplifie les maux.



Chère Madame F.

Veuillez me pardonnez cette folle impertinence
Qui me fait vous répondre avec tant d’arrogance.
Je respecte les grands autant que les petits,
De même les ignorants, autant que les instruits.

Veuillez donc accepter le sincère respect,
D’un homme trop pudique pour tout vous dévoiler.


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