mercredi 12 février 2014

Lecture : Des vérités qui datent.

Chacun fait référence à la démocratie
Y voyant le meilleur pour le bien du pays.
Ou plutôt chacun pense qu’on n’a pas trouvé mieux
Pour faire des citoyens des gens moins malheureux.
Mais en s’interrogeant sur notre humanité,
Il semble dans le fond, qu’on y a rien changé.
Chacun de ses envies fait la priorité,
Et que ne fait-il pas pour bien y arriver !

Navigant sur la toile, comme on fait maintenant,
Je tombe sur un texte qui date de longtemps.
Écrit par un monsieur qui fut sûrement marquis,
Et peut-être baron, servant la monarchie.
Il dit à sa façon comment il voit les hommes,
À l’époque où beaucoup critiquait la couronne.

Deux cent soixante-quinze ans sont passés sur ses vers,
Leur actualité est restée exemplaire.
À peine deux ou trois mots semblent un peu désuets :
Peut-être au lieu de Duc, j’aurais mis député,
Et remplacé les princes par les gens du congrès,
Mais après tant d’années, c’est vraiment pinailler.

Ce texte dit de l’homme, le coté arbitraire,
Les préjugés innés, les jugements sommaires.
Partout les électeurs rejettent les élus
Qu’ils ont souvent eux-mêmes amenés jusqu’aux nues.
Mais la plupart d’entr’eux, leur pourlèchent les bottes,
Pour avoir quelques aides, un privilège, un poste.

Je n’en dirais pas plus, je vous laisse apprécier,
La grande stabilité de notre humanité.

Ê  -------------------------- É

« Sur les peines inséparables de chaque état,
et sur les moyens de vivre sans envie,
dans la condition où la providence nous a fait naître. »

De Villemont - À Rouen, 9 septembre 1739

Un homme né jaloux avec peu de fortune,
Se plaint souvent des grands, leur éclat l’importune.
Il croit en parlant d’eux avec un air chagrin,
Qu’il se venge par-là de son mauvais destin.
A-t-il quelques talents ? Quel qu’ombre de mérite ?
C’est un titre pour lui d’attaquer leur conduite.
À l’entendre parler, ils n’ont nulles vertus ;
L’orgueil, la vanité sont leurs seuls attributs ;
Et sans distinguer rien, à la cour, à la ville,
Il suffit d’être grand pour échauffer sa bile.

Mais qui m’assurera que cet homme de bien,
Ce critique zélé qui ne pardonne rien,
Si son étoile un jour allait le mettre en place,
Des grands, tels qu’il les peint, ne suivraient pas la trace ?
Non, je ne puis gouter ces rigides censeurs,
Ces gens toujours plaintifs ne sont pas les meilleurs.
Tout homme de bon sens qui n’est pas misanthrope,
De sa seule vertu se couvre et s’enveloppe,
Et lorsque la fortune est contraire à ses vœux,
Sans envier les grands, il sait se rendre heureux.

Votre condition vous paraît-elle amère ?
À l’état, s’il se peut, rendez-vous nécessaire,
Ou bien, si vous avez des talents estimés,
Connaissez un peu mieux ces grands que vous blâmez.
Approchez-les sans crainte, offrez votre service,
Ils seront les premiers à vous rendre justice.
Il en est qui ne sont, ni fiers, ni dédaigneux,
Le solide mérite a des charmes pour eux.
Ils savent réunir avec la politesse,
La droiture de cœur, l’équité, la sagesse.
Ils savent accorder avec la dignité
Un air plein de douceur, un fond d’humanité.

Il en est, j’en conviens, qui sont durs, inflexibles,
Remplis de leur grandeur, impérieux, terribles,
Et qu’à peine ose-t-on quelquefois regarder.
Mais il en est aussi que l’on peut aborder,
Et chez qui la raison est comme dans son trône.
Tel fût jusqu’à sa mort le vertueux ……

N’allez pas toutefois, comptant sur leur puissance,
Croire qu’à vos vertus ils doivent récompenses.
Quel que soit leur crédit, leur bonne volonté,
Le pouvoir d’obliger, chez eux, est limité.
Eh ! Ne suffit-il pas, afin qu’on les révère,
Qu’ils fassent tout le bien que chacun d’eux peut faire ?
Après tout, si vers vous la fortune est en tort,
Pourquoi s’en prendre aux grands, ont-ils fait votre sort ?

Faites mieux, armez-vous d’un généreux courage,
Surmontez par vertu ce sort qui vous outrage ;
De l’éclat des grandeurs pour n’être point jaloux,
Voyez combien de gens sont au-dessous de vous ;
Pratiquez les conseils que dicte la prudence ;
Sur votre revenu, réglez votre dépense,
Et sachez que, qui vit exempt d’ambition,
N’est jamais malheureux dans sa vraie condition.

Les grands biens, les honneurs, un rang considérable,
Font trouver le temps court et la vie agréable,
Quelquefois il est vrai, mais il ne l’est pas moins,
Que les grands ont aussi leurs peines et leurs soins.
Souvent même ces grands, l’objet de votre envie,
Goutent bien moins que vous les douceurs de la vie.

Ce ministre, ce duc, dès la pointe du jour,
Ne sont-ils obligés d’aller faire leur cour ?
Et suivant leur devoir qui les appelle au Louvre,
Sujets, quoique puissants, aisément on découvre,
Que, malgré leur grandeur, dont vous êtes jaloux,
Ils ont dans leur état moins de repos que vous.
Ce grave magistrat, tout éclatant d’hermine,
Sous cet auguste habit, sans doute, à bonne mine.
Peut-être pensez-vous, qu’au grès de ses désirs,
Ses jours toujours serein, coulent dans le plaisir ?
Ne vous y trompez pas, ce magistrat à peine
Goûte un jour de repos dans toute une semaine.

Mettrai-je au rang des grands un tas de financiers,
Un nombre réprouvé d’avides maltôtiers,
Qui, volant les trois quart des tribus dus aux princes,
Font le commun malheur de toutes les provinces.
Ces gens n’ont la plupart, ni naissance, ni cœur,
N’importe, ils ont des biens, il faut leur faire honneur.
Quiconque est riche, est tout dans le siècle où nous sommes !
Telles est bien l’opinion de presque tous les hommes.

Mais ne présumez pas, qu’avec tous leurs trésors,
Aucun d’eux soit exempt de craintes ou de remords,
Ils craignent à la Paix la recherche du prince,
Pour avoir trop pillé quelque riche province,
Et tremblant pour leur or, dont ils font leur seul Dieu,
L’enterrent avec soin, souvent en plus d’un lieu.

D’ailleurs un partisan, aux champs comme à la ville,
Sous des plafonds dorés n’est pas toujours tranquille,
Et malgré lui souvent un affreux souvenir
Vient frapper son esprit d’un terrible avenir.
La richesse à tel prix, paraît trop achetée.
Pour s’en faire un bonheur, il faudrait être athée,
Et ce seul sentiment est un mortel poison,
Dont tout homme d’honneur garantie sa raison.

Pour moi, j’ose le dire, et de vrai je le pense,
Je souffrirais plutôt la plus triste indigence,
Que d’employer mes soins, ou de former des vœux,
Pour m’engraisser du suc de mille malheureux.

Parvenez aux grandeurs par votre seul mérite,
Je vous estime alors et vous en félicite ;
Ou si vous les tenez du droit de votre sang
Je les respecte en vous, j’honore votre rang :
Mais n’appréhendez pas que je vous importune.
Voulez-vous prendre soin d’établir ma fortune ?
Je n’aurais pas pourtant l’insolente fierté
De refuser un bien lorsqu’il m’est présenté ;
Je ferais plus encore, plein de reconnaissance,
J’aurais toujours pour vous beaucoup de déférence :
Je vous regarderais comme mon protecteur ;
N’en est ce point assez, pour vous en faire honneur,
Prévenant d’un ami les besoins et la honte,
J’irai le secourir d’une main toujours prompte,
Et publierai partout que c’est à vos bienfaits
Que je dois le bonheur de remplir mes souhaits.
Avec ses sentiments, si je ne puis vous plaire,
Sans me plaindre de vous, content du nécessaire,
Feuilletant tour à tour, La Bruyère et Pascal,
Je saurais me borner jusqu’au terme fatal.
Extrait de Google play –livre : Mercure de France,
Dédié au Roy - Octobre 1739
Pièces fugitives, en vers et en prose.
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