LNC du 20/09/2013 : « Les relation avec la France ont
débuté par un acte de
violence » - voir en fin de post
Il y a cinquante ans,
j’étais encore petit,
Le 24 septembre, j’ai
débarqué ici !
Étrange coïncidence
que je n’ai pas choisie,
Mais où certains
verront motifs à argutie.
Anniversaire, symbole,
deuil ou fête locale ?
Le prétexte est trop
beau pour faire une cabale.
Je suis blanc, je
l’avoue, mais ce n’est pas une tare,
Qui m’impose d’expier
tout le poids de l’histoire.
Barbançon, l’historien, nous parle de violence,
Quand la Calédonie est devenue la France.
La prise de possession d’un pays tout entier,
La colonisation d’un peuple
dit « premier ».
Le passé antérieur …
Mais la Calédonie était-elle un pays,
Un ensemble de terres, cohérentes et unies ?
Les gens y vivaient-ils en bonne communauté ?
Comment leur société était-elle structurée ?
Les réponses sont vagues et confinent à l’ethnisme,
Car l’histoire des kanaks se lit par le seul prisme
D’une culture orale, basée sur la parole,
Qui reste, fatalement,
sujette à hyperboles …
Je laisse à Barbançon le soin de me répondre,
De me donner des faits qui sortent un peu de l’ombre
Le passé d’un pays qui est déjà le mien,
Mais où certains me traitent un peu comme un martien.
Mais vous allez me
dire, ce n’est pas une excuse,
La France n’avait pas
à jouer les intruses.
À prendre aux Kanaks
leur terre et leur pays,
Sans faire le moindre
accord, sans une contrepartie !
Le passé postérieur …
Curés et militaires, déportés et bagnards,
Ont laissés des écrits qui fondent cette histoire.
Jean louis Barançon donne par son travail,
Une vision des faits avec forces détails.
L’histoire de sa famille l’a bien sûr incité,
À extraire de l’ombre des actions oubliées,
Ignorant le contexte, prévalant autrefois,
Quand les minorités ne faisaient pas la loi.
Il met le projecteur sur un passé choisi,
Et traite de menteur ceux qui firent comme lui.
Il use du passé toujours à sens unique,
Au point que sa vision me laisse plutôt sceptique.
L’histoire … vraie …
Toute l’histoire du monde est pavée de ces guerres
Qui ont, nombre de fois, fait variés les frontières.
Sur tous les continents les peuples se mêlèrent,
Autant pour le pouvoir que pour avoir la terre.
Qui peut vraiment penser qu’il a un sang si pur
Qui le lie à une terre sans la moindre bavure ?
Qui peut vraiment penser que sa propre culture
Fut un matin écrite sans la moindre rature ?
L’histoire … en cours …
Bien sûr que les kanaks un jour furent spoliés,
De la terre sur laquelle ils étaient installés.
Mais n’ont-ils pas depuis récupéré la mise ?
Sur les institutions n’ont-ils aucune emprise ?
Pour eux fut instauré un droit particulier,
Les terres coutumières, pour eux,
sont aliénées.
Même la démocratie a été triturée,
Afin de leur donner une certaine primauté.
N’oublions pas non plus cette modernité
Que certains gougnafiers critiquent à souhait,
Mais dans laquelle ils baignent avec délectation,
Refusant tout effort mais acceptant les dons.
Le partage des savoirs, des sciences, des idées,
L’industrie du nickel et surtout la santé,
Sont autant de richesses, par les blancs, partagées,
Qu’ils n’auraient jamais eu en restant isolés.
L’histoire … à construire …
À moins que le partage ne soit qu’une illusion,
Il me parait dommage, cher Monsieur Barbançon,
Que, dans votre verbiage, « la prise de possession »
Se transforme en blocage à toute discussion.
Un Kanak est français sans perdre sa culture,
Faut-il que les autres n’est droit qu’à la rupture ?
Le blanc serait-il donc un ennemi juré
Qu’il faille l’humilié pour être satisfait ?
Le 24 septembre est « prise
de possession »,
Ou début d’un « partage »
au sein d’une nation ?
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Les
Nouvelles Calédoniennes du 20/09/2013
Louis
Josè Barbançon, Historien
« Les relation avec la France ont débuté par un acte de
violence »
De
la prise de possession à la Fête de la citoyenneté, en passant par le jour de
deuil, le 24 septembre a revêtu plusieurs significations. Alors que le pays
s’apprête à commémorer cette date fondatrice, petite remise en perspective avec
l’historien Louis-José Barbançon.
Louis-José
Barbançon : « Comment voulez-vous entamer une discussion avec un Kanak,
dirigeant ou pas, en commençant par lui reprocher de ne jamais rien céder alors
qu’il a cédé son pays ! Pour lui, que peut-il donner de plus ? »
Les Nouvelles
calédoniennes : Tout d’abord, pourquoi parle-t-on de prise de possession ?
Louis-José
Barbançon : Lorsque
Febvrier-Despointes prononce son discours à Balade, il dit très exactement « Je
prends possession de la Nouvelle-Calédonie ». Donc les choses sont claires,
c’est une annexion. Pourtant, dans ce XIXe siècle d’expansion européenne, il y
avait d’autres formules qui auraient pu être exprimées, comme le protectorat à
Tahiti ou à Wallis.
Quelle est la
différence entre les deux notions ?
Dans
le protectorat, les institutions existantes restent en place et le foncier continu
à appartenir au peuple qui est sur place.
Ceux qui ont pris
possession de la Calédonie ont donc exclu les habitants de cette terre, ou ils
ne les ont pas vus ?
L’une
des causes de cette prise de possession était de pouvoir créer les conditions
d’une colonisation pénale ou libre. Cela ne pouvait se faire que s’il y avait
des terres à distribuer.
Cette thèse a été
historiquement établie ?
C’est
celle qu’avant moi d’autres ont soutenue. D’autres assurent que cette
colonisation n’a été pénale qu’a posteriori, pour justifier cette prise de
possession. Mais j’ai essayé de prouver que, depuis 1820, la France était à la
recherche d’une colonie pénale.
Avez-vous
l’impression que cette histoire-là est assimilée par la population calédonienne
descendant des bagnards ?
Si
vous m’aviez posé la question il y a trente ans, je n’aurais pas fait la même
réponse. Les jeunes générations ne portent pas le même poids, les anciennes
disparaissent. Mais il y a tout le travail qui a été fait sur la mémoire, dont
je ne suis que l’un des acteurs. C’est pour cela qu’il y a vingt ou trente ans,
on n’aurait certainement pas pu ouvrir un Musée du bagne. Il y a aussi eu un
travail de la mémoire.
Aujourd’hui, les
Calédoniens sont donc plus conscients de leur histoire ?
J’en
suis certain. Cette appropriation devient de plus en plus grande. Si on connaît
mieux son histoire, on va pouvoir la dire aux autres. Et surtout, les autres
vont entendre une histoire vraie, alors qu’ils entendaient une histoire
arrangée et qu’ils en étaient conscients. C’est ce qui change. Dans cette
difficile construction d’une communauté de destin, une communauté ne peut pas
être une communauté de menteurs, même par omission. Ce n’est pas faisable.
Cela renvoie à la
formule que vous employez dans l’introduction de l’Archipel des forçats, où
vous dites que faire de l’histoire en Calédonie demeure une chimère…
C’est
toujours difficile parce que les historiens restent au sens propre du terme des
iconoclastes, des briseurs d’image. On brise les images que les gens veulent
avoir d’eux-mêmes. Les autres communautés, qui ont vécu les choses autrement,
ne comprennent pas qu’on s’arrange avec cette histoire.
Aujourd’hui, on
parle plus de « fête de la citoyenneté » plutôt que de prise de possession…
Oui,
il y a eu un glissement sémantique. On a parlé de rattachement à la France, de
cent ans de présence française en Calédonie. Pendant que l’Afrique se
décolonisait, par exemple, le terme de prise de possession a été évacué.
C’est bien le
signe qu’on a encore du mal avec cette histoire ?
Qu’on
veuille ou qu’on ne veuille pas, une prise de possession, c’est quand même un
acte brutal. Les relations entre la France et les habitants de la Calédonie
démarrent par un acte violent. La montée du drapeau en soi n’a rien de violent.
Mais si vous dites à l’autre : « Maintenant, ici, c’est chez moi », pour
n’importe qui, ça reste un acte violent.
On peut le dire
aujourd’hui, avec 160 ans de recul. A l’époque, les choses étaient différentes…
Sauf
Victor Schœlcher, qui a réagi en disant que c’est un acte de sauvagerie,
assurant qu’aucune nation civilisée ne pouvait s’emparer d’une autre. Ce qu’il
a dit est exceptionnel pour son époque. Et quand les Australiens réagissent
durement, c’est uniquement parce que ce sont les Français qui prennent
possession, et pas eux…
L’expression «
jour de deuil » a également été employée par les indépendantistes.
Elle
s’est popularisée dans les années 70, à l’époque des Foulards rouges, il me
semble. L’expression était très mal prise par ceux qui estimaient que la France
avait fait beaucoup pour ce pays. Pour eux, ceux qui l’employaient étaient des
ingrats. Mais ce n’est pas parce qu’on a fait de très bonnes choses que cela
efface l’acte de départ ! C’est difficile à faire comprendre mais le point de
départ, c’est tout de même l’appropriation d’une terre qui n’est pas à nous. Ce
qui est extraordinaire aussi, c’est que ceux-là mêmes qui parlaient du
24-Septembre comme d’un jour de deuil, sont les mêmes qui ont proposé que ce
jour devienne une fête de la citoyenneté.
Il est vrai que
c’est une commémoration ou une fête qui se cherche…
Oui,
et je ne suis pas certain que c’est une date qui soit appelée à durer. Si ce
pays devient un jour un pays souverain, est-ce que le 24-Septembre continuera
d’être célébré et de quelle façon ? Comme une fête de la rencontre entre deux
peuples ? Si le pays évolue, on ne connaît pas l’avenir du 24-Septembre. S’il
devient indépendant, cela ne servira plus à rien ! Sauf si on décide que ce
sera aussi la fête de l’indépendance, cela peut demeurer une date symbolique.
Même si elle reste liée à une prise de possession.
Quoi qu’il en
soit, comment faut-il parler de cette date, aujourd’hui ?
Parler
de la prise de possession aujourd’hui n’a pas d’intérêt sinon de parler d’une
anecdote historique, et si on ne la replace pas dans une continuité historique,
dans le cadre de ce qui a été prévu dans l’accord de Nouméa et dans le cadre de
la construction d’une communauté de destins.
Le débat est
aussi de savoir comment on la commémore ?
Depuis
l’Accord et son préambule, qui parle des « ombres et des lumières de la
colonisation », on ne peut plus célébrer le 24-Septembre comme une prise de
possession, puisqu’une partie du pays ne peut pas l’entendre. Ou alors il faut
annuler le préambule ! Mais ce qui est primordial à dire, à mon sens, c’est que
la proposition de cette Fête de la citoyenneté aurait dû venir de la communauté
européenne, et c’est l’inverse qui est arrivé. Quand j’entends certains
politiques dire que les Kanak ne cèdent rien, c’est qu’ils ne tiennent pas
compte du point de vue kanak. Comment voulez-vous entamer une discussion avec
un Kanak, dirigeant ou pas, en commençant par lui reprocher de ne jamais rien
céder alors qu’il a cédé son pays ! Pour lui, que peut-il donner de plus ?
C’est pour cela qu’à mon sens, cet acte de prise de possession conditionne
encore toute amorce de discussion ou de négociation.
Bio express
Louis-José
Barbançon est né à Nouméa, en 1950. Il est issu de familles issues des deux
colonisations, libre et pénale.
Son
enfance est marquée par la disparition de son père en 1953, dans le naufrage de
La Monique.
Il
suit des études d’histoire à Aix-en-Provence et revient à Nouméa pour
enseigner. Il s’engage également en politique au sein de la FNSC, notamment en
compagnie de Jean-Pierre Aïfa
L’expression
« Pays du non-dit », provient de son ouvrage publié en 1992. L’Archipel des
forçats : histoire du bagne en Nouvelle-Calédonie est la version grand public
de sa thèse de doctorat.
Propos recueillis par Pierrick Chatel
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