dimanche 22 septembre 2013

Barbançon a mal à son histoire !

LNC du 20/09/2013 : «  Les relation avec la France ont
débuté par un acte de violence » - voir en fin de post
Il y a cinquante ans, j’étais encore petit,
Le 24 septembre, j’ai débarqué ici !
Étrange coïncidence que je n’ai pas choisie,
Mais où certains verront motifs à argutie.

Anniversaire, symbole, deuil ou fête locale ?
Le prétexte est trop beau pour faire une cabale.
Je suis blanc, je l’avoue, mais ce n’est pas une tare,
Qui m’impose d’expier tout le poids de l’histoire.

Barbançon, l’historien, nous parle de violence,
Quand la Calédonie est devenue la France.
La prise de possession d’un pays tout entier,
La colonisation d’un peuple dit « premier ».

Le passé antérieur …
Mais la Calédonie était-elle un pays,
Un ensemble de terres, cohérentes et unies ?
Les gens y vivaient-ils en bonne communauté ?
Comment leur société était-elle structurée ?

Les réponses sont vagues et confinent à l’ethnisme,
Car l’histoire des kanaks se lit par le seul prisme
D’une culture orale, basée sur la parole,
Qui reste, fatalement, sujette à hyperboles …

Je laisse à Barbançon le soin de me répondre,
De me donner des faits qui sortent un peu de l’ombre
Le passé d’un pays qui est déjà le mien,
Mais où certains me traitent un peu comme un martien.

Mais vous allez me dire, ce n’est pas une excuse,
La France n’avait pas à jouer les intruses.
À prendre aux Kanaks leur terre et leur pays,
Sans faire le moindre accord, sans une contrepartie !

Le passé postérieur …
Curés et militaires, déportés et bagnards,
Ont laissés des écrits qui fondent cette histoire.
Jean louis Barançon donne par son travail,
Une vision des faits avec forces détails.

L’histoire de sa famille l’a bien sûr incité,
À extraire de l’ombre des actions oubliées,
Ignorant le contexte, prévalant autrefois,
Quand les minorités ne faisaient pas la loi.

Il met le projecteur sur un passé choisi,
Et traite de menteur ceux qui firent comme lui.
Il use du passé toujours à sens unique,
Au point que sa vision me laisse plutôt sceptique.

L’histoire … vraie …
Toute l’histoire du monde est pavée de ces guerres
Qui ont, nombre de fois, fait variés les frontières.
Sur tous les continents les peuples se mêlèrent,
Autant pour le pouvoir que pour avoir la terre.

Qui peut vraiment penser qu’il a un sang si pur
Qui le lie à une terre sans la moindre bavure ?
Qui peut vraiment penser que sa propre culture
Fut un matin écrite sans la moindre rature ?

L’histoire … en cours …
Bien sûr que les kanaks un jour furent spoliés,
De la terre sur laquelle ils étaient installés.
Mais n’ont-ils pas depuis récupéré la mise ?
Sur les institutions n’ont-ils aucune emprise ?

Pour eux fut instauré un droit particulier,
Les terres coutumières, pour eux, sont aliénées.
Même la démocratie a été triturée,
Afin de leur donner une certaine primauté.

N’oublions pas non plus cette modernité
Que certains gougnafiers critiquent à souhait,
Mais dans laquelle ils baignent avec délectation,
Refusant tout effort mais acceptant les dons.

Le partage des savoirs, des sciences, des idées,
L’industrie du nickel et surtout la santé,
Sont autant de richesses, par les blancs, partagées,
Qu’ils n’auraient jamais eu en restant isolés.

L’histoire … à construire …
À moins que le partage ne soit qu’une illusion,
Il me parait dommage, cher Monsieur Barbançon,
Que, dans votre verbiage, « la prise de possession »
Se transforme en blocage à toute discussion.

Un Kanak est français sans perdre sa culture,
Faut-il que les autres n’est droit qu’à la rupture ?
Le blanc serait-il donc un ennemi juré
Qu’il faille l’humilié pour être satisfait ?

Le 24 septembre est « prise de possession »,
Ou début d’un « partage » au sein d’une nation ?

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Les Nouvelles Calédoniennes du 20/09/2013
Louis Josè Barbançon, Historien
«  Les relation avec la France ont débuté par un acte de violence »

De la prise de possession à la Fête de la citoyenneté, en passant par le jour de deuil, le 24 septembre a revêtu plusieurs significations. Alors que le pays s’apprête à commémorer cette date fondatrice, petite remise en perspective avec l’historien Louis-José Barbançon.

Louis-José Barbançon : « Comment voulez-vous entamer une discussion avec un Kanak, dirigeant ou pas, en commençant par lui reprocher de ne jamais rien céder alors qu’il a cédé son pays ! Pour lui, que peut-il donner de plus ? »

Les Nouvelles calédoniennes : Tout d’abord, pourquoi parle-t-on de prise de possession ?
Louis-José Barbançon : Lorsque Febvrier-Despointes prononce son discours à Balade, il dit très exactement « Je prends possession de la Nouvelle-Calédonie ». Donc les choses sont claires, c’est une annexion. Pourtant, dans ce XIXe siècle d’expansion européenne, il y avait d’autres formules qui auraient pu être exprimées, comme le protectorat à Tahiti ou à Wallis.

Quelle est la différence entre les deux notions ?
Dans le protectorat, les institutions existantes restent en place et le foncier continu à appartenir au peuple qui est sur place.

Ceux qui ont pris possession de la Calédonie ont donc exclu les habitants de cette terre, ou ils ne les ont pas vus ?
L’une des causes de cette prise de possession était de pouvoir créer les conditions d’une colonisation pénale ou libre. Cela ne pouvait se faire que s’il y avait des terres à distribuer.

Cette thèse a été historiquement établie ?
C’est celle qu’avant moi d’autres ont soutenue. D’autres assurent que cette colonisation n’a été pénale qu’a posteriori, pour justifier cette prise de possession. Mais j’ai essayé de prouver que, depuis 1820, la France était à la recherche d’une colonie pénale.

Avez-vous l’impression que cette histoire-là est assimilée par la population calédonienne descendant des bagnards ?
Si vous m’aviez posé la question il y a trente ans, je n’aurais pas fait la même réponse. Les jeunes générations ne portent pas le même poids, les anciennes disparaissent. Mais il y a tout le travail qui a été fait sur la mémoire, dont je ne suis que l’un des acteurs. C’est pour cela qu’il y a vingt ou trente ans, on n’aurait certainement pas pu ouvrir un Musée du bagne. Il y a aussi eu un travail de la mémoire.

Aujourd’hui, les Calédoniens sont donc plus conscients de leur histoire ?
J’en suis certain. Cette appropriation devient de plus en plus grande. Si on connaît mieux son histoire, on va pouvoir la dire aux autres. Et surtout, les autres vont entendre une histoire vraie, alors qu’ils entendaient une histoire arrangée et qu’ils en étaient conscients. C’est ce qui change. Dans cette difficile construction d’une communauté de destin, une communauté ne peut pas être une communauté de menteurs, même par omission. Ce n’est pas faisable.

Cela renvoie à la formule que vous employez dans l’introduction de l’Archipel des forçats, où vous dites que faire de l’histoire en Calédonie demeure une chimère…
C’est toujours difficile parce que les historiens restent au sens propre du terme des iconoclastes, des briseurs d’image. On brise les images que les gens veulent avoir d’eux-mêmes. Les autres communautés, qui ont vécu les choses autrement, ne comprennent pas qu’on s’arrange avec cette histoire.

Aujourd’hui, on parle plus de « fête de la citoyenneté » plutôt que de prise de possession…
Oui, il y a eu un glissement sémantique. On a parlé de rattachement à la France, de cent ans de présence française en Calédonie. Pendant que l’Afrique se décolonisait, par exemple, le terme de prise de possession a été évacué.

C’est bien le signe qu’on a encore du mal avec cette histoire ?
Qu’on veuille ou qu’on ne veuille pas, une prise de possession, c’est quand même un acte brutal. Les relations entre la France et les habitants de la Calédonie démarrent par un acte violent. La montée du drapeau en soi n’a rien de violent. Mais si vous dites à l’autre : « Maintenant, ici, c’est chez moi », pour n’importe qui, ça reste un acte violent.

On peut le dire aujourd’hui, avec 160 ans de recul. A l’époque, les choses étaient différentes…
Sauf Victor Schœlcher, qui a réagi en disant que c’est un acte de sauvagerie, assurant qu’aucune nation civilisée ne pouvait s’emparer d’une autre. Ce qu’il a dit est exceptionnel pour son époque. Et quand les Australiens réagissent durement, c’est uniquement parce que ce sont les Français qui prennent possession, et pas eux…

L’expression « jour de deuil » a également été employée par les indépendantistes.
Elle s’est popularisée dans les années 70, à l’époque des Foulards rouges, il me semble. L’expression était très mal prise par ceux qui estimaient que la France avait fait beaucoup pour ce pays. Pour eux, ceux qui l’employaient étaient des ingrats. Mais ce n’est pas parce qu’on a fait de très bonnes choses que cela efface l’acte de départ ! C’est difficile à faire comprendre mais le point de départ, c’est tout de même l’appropriation d’une terre qui n’est pas à nous. Ce qui est extraordinaire aussi, c’est que ceux-là mêmes qui parlaient du 24-Septembre comme d’un jour de deuil, sont les mêmes qui ont proposé que ce jour devienne une fête de la citoyenneté.

Il est vrai que c’est une commémoration ou une fête qui se cherche…
Oui, et je ne suis pas certain que c’est une date qui soit appelée à durer. Si ce pays devient un jour un pays souverain, est-ce que le 24-Septembre continuera d’être célébré et de quelle façon ? Comme une fête de la rencontre entre deux peuples ? Si le pays évolue, on ne connaît pas l’avenir du 24-Septembre. S’il devient indépendant, cela ne servira plus à rien ! Sauf si on décide que ce sera aussi la fête de l’indépendance, cela peut demeurer une date symbolique. Même si elle reste liée à une prise de possession.

Quoi qu’il en soit, comment faut-il parler de cette date, aujourd’hui ?
Parler de la prise de possession aujourd’hui n’a pas d’intérêt sinon de parler d’une anecdote historique, et si on ne la replace pas dans une continuité historique, dans le cadre de ce qui a été prévu dans l’accord de Nouméa et dans le cadre de la construction d’une communauté de destins.

Le débat est aussi de savoir comment on la commémore ?
Depuis l’Accord et son préambule, qui parle des « ombres et des lumières de la colonisation », on ne peut plus célébrer le 24-Septembre comme une prise de possession, puisqu’une partie du pays ne peut pas l’entendre. Ou alors il faut annuler le préambule ! Mais ce qui est primordial à dire, à mon sens, c’est que la proposition de cette Fête de la citoyenneté aurait dû venir de la communauté européenne, et c’est l’inverse qui est arrivé. Quand j’entends certains politiques dire que les Kanak ne cèdent rien, c’est qu’ils ne tiennent pas compte du point de vue kanak. Comment voulez-vous entamer une discussion avec un Kanak, dirigeant ou pas, en commençant par lui reprocher de ne jamais rien céder alors qu’il a cédé son pays ! Pour lui, que peut-il donner de plus ? C’est pour cela qu’à mon sens, cet acte de prise de possession conditionne encore toute amorce de discussion ou de négociation.

Bio express

Louis-José Barbançon est né à Nouméa, en 1950. Il est issu de familles issues des deux colonisations, libre et pénale.
Son enfance est marquée par la disparition de son père en 1953, dans le naufrage de La Monique.
Il suit des études d’histoire à Aix-en-Provence et revient à Nouméa pour enseigner. Il s’engage également en politique au sein de la FNSC, notamment en compagnie de Jean-Pierre Aïfa
L’expression « Pays du non-dit », provient de son ouvrage publié en 1992. L’Archipel des forçats : histoire du bagne en Nouvelle-Calédonie est la version grand public de sa thèse de doctorat.

Propos recueillis par Pierrick Chatel
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