« Je suis mort à
l’instant, c’était inévitable.
Serais-je récupéré par
un Dieu ou un diable ?
La réponse restera, pour
les gens de ce monde,
Enterrée avec moi,
tout au fond de ma tombe. »
Ainsi pensait Jodar, en quittant ce bas monde,
Ne pouvant plus parler de sa voix moribonde.
Mais s’il nous avait dit quelques secrets d’histoire,
J’en connais quelques-uns qui auraient pu déchoir.
D’abord ses ex-ami(e)s, qui sans ménagement,
L’ont vite répudié, le disant trop violent.
Il n’a pourtant été qu’un bon serviteur blanc,
Faisant le sale boulot pour des gens virulents.
Des révolutionnaires, avec du sang Kanak,
Qui l’ont toujours poussé à casser la baraque.
De l’USTKE il devint président !
En fut-il décideur ou simple exécutant ?
Quand il n’a pas atteint les objectifs fixés,
Il fut vite écarté. Peut-être emboucané ?
Changeant de stratégie, ils jetèrent leur guerrier,
Mais dans le fond, en fait, ils ne changent pas d’idées.
Aussi chez les patrons, il en fut quelques-uns,
Hurlant avec les loups parce que ça faisait bien,
Mais qui le finançaient, toujours discrètement,
Pour tenter de garder des gains mirobolants.
Ils approvisionnaient quelques piquets de grèves,
Pour que leur(s) concurrent(s) ne signe(nt) pas de trêve.
Si Jodar en usât pour défendre une cause,
Qu’à tort ou à raison, il estimait grandiose,
A l’USTKE, d’autres en ont profité,
Afin que leurs affaires fonctionnent à moindre frais.
Ainsi en dénigrant Jodar et ses actions,
Ils masquent aujourd’hui toutes leurs perversions.
Enfin dans les services de nos institutions,
Ordre des politiques ou petites ambitions,
On a beaucoup joué de manipulations,
Et le « Dialogue
Social » en fit la promotion.
Jodar l’avait compris et voulait du concret,
Et pas que des voyages pour quelques pieds nickelés.
Tout cela a permis de faire du papier,
De gonfler des egos et surtout des budgets.
On trouve là encore divers accords secrets,
Valant leur pesant d’or pour peu de concernés.
Les salariés depuis sont un peu oubliés
Au profit de sujet relevant du congrès.
Je ne partageais pas les idées de Jodar,
Ni sa façon de faire, parfois un peu barbare.
Mais il avait vraiment des convictions profondes
Et voulait sincèrement améliorer le monde.
Et, au moins, il avait une sorte de droiture,
Il respectait les autres, même s’il était dur.
S’il fut le bras armé de violences passées,
Les vrais instigateurs se font plutôt discrets.
Il y a des « leaders », qui sont toujours en vue.
Qui font subtilement nombre de coup tordus.
Usant des syndicats comme de marche pieds,
Ils n’agissent en fait que dans leur intérêt.
Fut-il un démon blanc ou un archange noir ?
Jodar aura, je crois, droit à son purgatoire.
Mais je crois qu’à coup sûr, parmi ses congénères,
Certains iront tout droit aux tréfonds de l’enfer !
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Les
Nouvelles Calédoniennes du 16/09/2013
Jodar tire sa révérence
Gérard
Jodar, ex-président de la CNTP et de l’USTKE est décédé vendredi. Malade depuis
plusieurs années, cet homme de conviction et controversé aura marqué de son
empreinte le syndicalisme local avec des méthodes souvent radicales.
Gérard
Jodar était arrivé en 1971 en Calédonie. À partir de 1978, il se lance dans
l’action syndicale, qu’il n’abandonnera plus.
ll
est arrivé sur le Caillou en 1971 avec un copain d’armée, un billet d’avion
tour du monde en poche. Gérard Jodar n’avait que 19 ans lorsqu’il est tombé
amoureux du pays, s’y sentant comme chez lui. Le syndicaliste a tiré sa
révérence, vendredi, à seulement 61 ans. Malade, son état de santé ne lui
permettait plus de présider, depuis le début de l’année, la Confédération
nationale des travailleurs du Pacifique, son dernier syndicat fondé en avril
2010 avec des anciens de l’USTKE, restés fidèles. Mais son nom y restera
étroitement associé. Il y adhère dès sa création en 1981. C’est sa deuxième
expérience syndicale. Gérard Jodar débute sa vie professionnelle comme serveur
au magasin Drug’Foch au centre-ville. Puis, ce natif de la banlieue lyonnaise,
issu de la classe ouvrière, devient « télétypiste » au service réservation de
la compagnie aérienne UTA, et agent de fret. Son engagement syndical ne débute
qu’en 1978 avec un mandat de délégué du personnel sans étiquette. « Les copains
m’ont dit : “tu sais parler vas-y !” », racontait Gérard Jodar dans nos
colonnes, en juin 2009, quelques jours avant son emprisonnement. Il fonde
ensuite le syndicat autonome local, le Star. Trois ans plus tard, Louis Kotra
Uregeï, receveur OPT à Tontouta, lui propose de rejoindre la toute nouvelle
USTKE.
Engagé. « Gégé » y reste
totalement dévoué jusqu’au divorce, vingt-neuf ans plus tard. Il s’y investit
pleinement, participant d’abord en tant que vice-président à sa structuration.
« C’était quelqu’un de très engagé, se remémore Joao d’Almeida, ancien
secrétaire général de la Fédération des fonctionnaires. Dans les années 1980,
il a impulsé un renouveau dans le monde syndical en Nouvelle-Calédonie.
Extérieurement, l’USTKE avait des méthodes un peu dures. Celles de la bâche
bleue et du cadenas, reprises ensuite par beaucoup mais qui ont choqué au
début. En interne, ils ont réussi à obtenir des crédits pour payer leur siège
social, mettre en place un centre de formation pour les délégués du personnel,
et tisser des liens avec la CGT en Métropole, etc. Ensuite, cela a dérapé sur
des conflits individualisés. » Ses dernières années passées à la tête de
l’USTKE, après avoir succédé à Louis Kotra Uregeï en 2000, sont marquées par «
ce syndicalisme de terrain », jusqu’au-boutiste pour certains. Cette dureté de
ton atteint son paroxysme avec les affrontements des forces de l’ordre lors des
conflits Carsud en 2008 et Aircal en 2009. Gérard Jodar en paie d’ailleurs le
prix avec six de ses camarades de lutte. Il passe six mois au Camp-Est.
Intelligence. Beaucoup
garderont sans doute de lui cette dernière image, celle d’un syndicaliste
radical. Mais il y avait bien un docteur Gérard et un mister Jodar. Le
syndicaliste connaissait aussi parfaitement ses dossiers, reconnaissent ses
détracteurs. « C’était un syndicaliste de conviction, très engagé, décrit
Dominique Lefeivre, co-président du Medef. Il travaillait en très bonne
intelligence dans les conseils d’administration où il siégeait, la Cafat, le
CES, le FSH. C’était quelqu’un de très constructif. L’autre face, c’était celle
de la radicalisation qui s’est accélérée avec le temps. » Quand Marie-Pierre
Goyetche prend la tête de l’USTKE en 2010, l’Union choisit de réintégrer les
instances du dialogue social. Gérard Jodar claque la porte et fonde la CNTP
avec Raymond Ayawaari et Daniel Wametu* qui l’ont suivi. Il conserve sa méthode
pour « défendre les travailleurs », attaché « au rééquilibrage et au partage
des richesses. » D’autres conflits longs s’ensuivent (McDonald’s, les
cantinières de la mairie de Nouméa). Mais ce combattant ne gagnera pas contre
la maladie. Mis sous tutelle, il devait intégrer une maison de retraite
médicalisée.
*Par
respect et à la demande de la famille, la CNTP n’a pas souhaité réagir, hier.
Une disparition
entre silence gêné et respect
Peu
d’officiels ont accepté de réagir à la disparition de Gérard Jodar. Entre
l’image sulfureuse du militant radical aux méthodes contestées et les guerres
intestines entre l’USTKE et la CNTP, beaucoup ont fait le choix du silence. Du
côté de la direction de l’USTKE, Marie-Pierre Goyetche et Louis Kotra Uregeï
refusent de commenter ce décès. Tout juste obtiendra-t-on un glacial « cette
mort ne nous concerne pas ». Mais parmi les militants de l’USTKE, les avis sur
Gérard Jodar sont plus nuancés. Un militant, qui préfère garder l’anonymat,
estime que « les progrès qui ont eu lieu dans les entreprises dans ces
années-là, c’est grâce à lui. Personnellement, si j’en suis là où j’en suis
dans mon entreprise, c’est grâce à lui. Tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour
nous les Kanak. Les disputes internes, moi, je trouve ça dommage. C’était “mon”
président (de l’USTKE, NDLR) et j’irai à ses obsèques, par respect. » Ambroise,
membre fondateur du FLNKS, veut pour sa part garder le souvenir d’un « leader
aux engagements clairs », à l’époque où « l’USTKE était le bras armé du FLNKS
dans les entreprises. Il a mené le combat contre l’économie de comptoir. »
Jacques Lalié, vice-président du Congrès, souligne que « certes il y a eu la
violence. Mais il faut se souvenir que dans ces années-là, il y avait aussi la
dureté du patronat en face, des mentalités très conservatrices. Il a réussi à
faire avancer les choses. Et je garde l’image d’un homme de dialogue. »
Charlotte
Mannevy
29 : C’est le nombre
d’années passées par Gérard Jodar au sein de l’USTKE. En 2010, il avait claqué
la porte pour fonder la CNTP.
Réactions
Trevor Underwood,
Usoenc
«
Nous présentons nos condoléances à toute sa famille. Il est resté fidèle à ses
idées, même si à des moments, on n’a pas accepté les méthodes appliquées. Mais
on ne peut que respecter le syndicaliste. »
Didier Kaddour,
CSTC-FO
«
C’était un syndicaliste qui restera gravé dans notre mémoire. C’était un grand
monsieur, qui au niveau syndicalisme et droit du travail connaissait beaucoup
de choses. Il a fait vibrer le patronat. »
Joao D’Almeida,
FSFAOP
«
Je garde le souvenir de quelqu’un de très professionnel dans le sens
syndicaliste engagé qui dérangeait beaucoup, mais vers la fin, il a passé sa
vie à défendre sa conception de la liberté, du droit, des droits sociaux, sa
conception de la justice à sa manière.
Toute
sa vie il a essayé de défendre les autres et finalement il a payé pour ça. »
Roch Wamytan,
président du Congrès
«
C’était un grand responsable indépendantiste, un homme qui a aidé le pays.
C’est quelqu’un que je respecte et que, à titre personnel, j’ai toujours
apprécié. Car quand je regarde l’homme, au-delà des actes, il y avait un homme
qui savait partager. »
Paul Néaoutyine,
président de la province Nord
«
Je tiens à saluer la mémoire du responsable syndical de longue date que fut
Gérard Jodar et à rendre hommage à l’engagement et aux convictions qui ont été
les siens. »
Catherine
Léhé
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