mercredi 4 avril 2018

Dans les journaux ...


Dans les journaux,
Sur les réseaux,
À la radio,
Au flash info,
À la télé
Pour informer
J’entends un mot …

Quand des vieux se font agresser,
Ou des écoles vandalisées,
Quand des profs sont insultés
Et parfois même défigurés !
J’entends un mot …

Quand des voitures sont volées,
Pour défoncer des magasins
Et finalement être incendiées,
Par une bande de gamins !
J’entends un mot …

Quand des commerces sont pillés,
Par des éphèbes encagoulés,
Menés par d’anciens condamnés,
Qu’on cherche encore à excuser !
J’entends un mot …

Quand dans les bus, dans les quartiers,
La peur au ventre on va bosser,
À cause de bandes organisées,
Agressives, mal intentionnées !
J’entends un mot …

Quand tous les soirs bien des trottoirs
Sont envahis par des soûlards,
Qui, ivres morts et violents,
Agressent sans discernement !
J’entends un mot … Incivilités

Un sens indu …
L’usage de ce mot me semblant décalé,
J’ai été vérifié, d’abord dans le Littré,
Et puis dans le Larousse, et Le petit Robert,
Et même sur internet dans le Wiktionnaire.

Son sens le plus commun, dans tous ces dictionnaires,
Pourrais se qualifier de plutôt débonnaire :
Manque de  politesse ou de respect d’autrui,
Défaut de savoir vivre ou bien de courtoisie.

Les exemples cités restent minimalistes
Même s’ils tentent parfois d’être plus réalistes
En parlant d’uriner dans les cages d’escaliers,
Ou bien de vandalisme et d’agressivité.

Mais ça reste léger des « incivilités »
Pour qualifier des faits, maintes fois dénoncés,
Qui laissent des victimes et des biens dégradés ?
Qui piétinent les règles de notre société ?

Dire « incivilités » minimise les faits,
Faisant d’une agression un manque de respect,
D’un vol avec violence une malhonnêteté,
De l’agression d’un prof une incongruité.

De la dérive …
L’usage de ces mots  est une vraie dérive
Qui ne sert qu’à masquer une asthénie naïve.
En n’osant pas parler en terme plus précis,
On ne sait même plus qualifier un délit.

Ainsi le criminel n’est plus qu’un délinquant,
Et la sanction devient un accompagnement.
Une maison d’accueil et de réinsertion
Remplacera sans peine une ancienne prison.

Floutage volontaire de la violence de rue,
Par peur de représailles ou pour être bien vue ?
Ou juste le reflet d’une certaine bien-pensance
Qui comme les trois singes, préfère l’impotence ?

… À la déviance
Le glissement des mots modifie les concepts,
Et, dans l’esprit public, inculque des préceptes.
Car les faiseurs d’infos, journalistes ou élus,
Utilisent des mots bien souvent saugrenus.

Leurs jolis pléonasmes emmêlés d’oxymores,
Font la vérité vraie pour de jeunes seniors.
Grace au tri sélectif, de gentils délinquants,
Dans des prisons ouvertes, deviendront innocents.

Des paroles verbales aux lois législatives,
Les règles de la norme deviennent laxatives.
Et les vertus laïques, par leur neutralité,
Deviennent amorales, faute d’être engagées.

La dérive des mots contribue, dans les faits,
À faire dévier des mœurs de notre société !

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Par Jean-Marc LOUIS • Correspondant de La Semaine • 09/02/2018 à 15h00

Il existe un lien non fortuit entre une langue et la réalité sociale, culturelle et politique d’un pays. Force est de constater que la langue française se dégrade, ce qui en dit long sur le rapport de notre société à ses repères, à ses valeurs.
Si les désordres syntaxiques, orthographiques qui ne sont pas seulement imputables aux jeunes mais aussi aux adultes de quelque appartenance sociale qu’ils soient sont navrants, il y a une autre réalité qui elle présente un véritable danger : ce sont les déviances qui s’emparent des mots par l’usage qu’on en fait.
Sont ainsi apparus  dans notre langue toute une série de mots qui interrogent. Les mots alibis qui sont devenus caution de réalités bien différentes de leur sens propre,  tels « laïcité » ou encore  « démocratie ». 

Initialement garants de nos libertés, ils aboutissent, par un glissement sémantique, à protéger voire cautionner, par  dévoiements et  reculades,  des contextes qui  les menacent. Tel est le cas aussi de « solidarité » qui trop souvent donne caution à l’assistanat. Repérons encore les mots tabous, ceux  que l’on ne peut plus utiliser sans qu’ils prennent  une connotation négative, sans que l’on se sente marginalisé voire stigmatisé à les employer. Je pense à des mots comme travail, autorité, sanction, citoyenneté, responsabilité…bref tous ceux qui font référence à  des valeurs. Citons encore les mots « dégénérés » qui perdent leur sens à force d’aboutir au contraire de leur signifié et ce  du fait d’un décalage qui existe entre ce qu’ils veulent dire et ce qu’on en fait. Tel « rationaliser ». Ce verbe est de plus en plus évoqué pour expliquer par la Raison des projets qui aboutiront …au déraisonnable.

Je pense à la réforme territoriale raisonnablement conçue à des fins d’économie et pour améliorer la démocratie locale et qui, les constats le disent, a eu et aura des résultats quelque peu éloignés de ces objectifs. Comment comprendre une telle la dérive de certains mots de notre langue ?

Le propos de Jaurès affirmant  que « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots » peut être une  des explications d’une pratique qui apparaît dangereuse notamment pour la cohésion du tissu social et la démocratie. Ce que pressentait Camus quand il disait : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » Il y a urgence à se convaincre, surtout pour la transmettre au travers de l’éducation, qu’elle soit familiale ou scolaire, de cette réflexion de Maupassant : « Quelle que soit la chose qu’on veut dire, il n’y a qu’un mot pour l’exprimer, qu’un verbe pour l’animer et qu’un adjectif pour la qualifier. »