Dans les journaux,
Sur les réseaux,
À la radio,
Au flash info,
À la télé
Pour informer
J’entends un mot …
Quand des vieux se font agresser,
Ou des écoles vandalisées,
Quand des profs sont insultés
Et parfois même défigurés !
J’entends un mot …
Quand des voitures sont volées,
Pour défoncer des magasins
Et finalement être incendiées,
Par une bande de gamins !
J’entends un mot …
Quand des commerces sont pillés,
Par des éphèbes encagoulés,
Menés par d’anciens condamnés,
Qu’on cherche encore à excuser !
J’entends un mot …
Quand dans les bus, dans les quartiers,
La peur au ventre on va bosser,
À cause de bandes organisées,
Agressives, mal intentionnées !
J’entends un mot …
Quand tous les soirs bien des trottoirs
Sont envahis par des soûlards,
Qui, ivres morts et violents,
Agressent sans discernement !
J’entends un mot … Incivilités
Un sens indu …
L’usage de ce mot me semblant décalé,
J’ai été vérifié, d’abord dans le Littré,
Et puis dans le Larousse, et Le petit Robert,
Et même sur internet dans le Wiktionnaire.
Son sens le plus commun, dans tous ces dictionnaires,
Pourrais se qualifier de plutôt débonnaire :
Manque de politesse
ou de respect d’autrui,
Défaut de savoir vivre ou bien de courtoisie.
Les exemples cités restent minimalistes
Même s’ils tentent parfois d’être plus réalistes
En parlant d’uriner dans les cages d’escaliers,
Ou bien de vandalisme et d’agressivité.
Mais ça reste léger des « incivilités »
Pour qualifier des faits, maintes fois dénoncés,
Qui laissent des victimes et des biens dégradés ?
Qui piétinent les règles de notre société ?
Dire « incivilités » minimise les faits,
Faisant d’une agression un manque de respect,
D’un vol avec violence une malhonnêteté,
De l’agression d’un prof une incongruité.
De la dérive …
L’usage de ces mots est une vraie dérive
Qui ne sert qu’à masquer une asthénie naïve.
En n’osant pas parler en terme plus précis,
On ne sait même plus qualifier un délit.
Ainsi le criminel n’est plus qu’un délinquant,
Et la sanction devient un accompagnement.
Une maison d’accueil et de réinsertion
Remplacera sans peine une ancienne prison.
Floutage volontaire de la violence de rue,
Par peur de représailles ou pour être bien vue ?
Ou juste le reflet d’une certaine bien-pensance
Qui comme les trois singes, préfère l’impotence ?
… À la déviance
Le glissement des mots modifie les concepts,
Et, dans l’esprit public, inculque des préceptes.
Car les faiseurs d’infos, journalistes ou élus,
Utilisent des mots bien souvent saugrenus.
Leurs jolis pléonasmes emmêlés d’oxymores,
Font la vérité vraie pour de jeunes
seniors.
Grace au tri sélectif, de gentils
délinquants,
Dans des prisons ouvertes, deviendront
innocents.
Des paroles verbales aux lois
législatives,
Les règles de la norme deviennent laxatives.
Et les vertus laïques, par leur neutralité,
Deviennent amorales, faute d’être engagées.
La dérive des mots contribue, dans les faits,
À faire dévier des mœurs de notre société !
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Par
Jean-Marc LOUIS • Correspondant de La Semaine • 09/02/2018 à 15h00
Il
existe un lien non fortuit entre une langue et la réalité sociale, culturelle
et politique d’un pays. Force est de constater que la langue française se
dégrade, ce qui en dit long sur le rapport de notre société à ses repères, à
ses valeurs.
Si les désordres syntaxiques, orthographiques qui ne
sont pas seulement imputables aux jeunes mais aussi aux adultes de quelque
appartenance sociale qu’ils soient sont navrants, il y a une autre réalité qui
elle présente un véritable danger : ce sont les déviances qui
s’emparent des mots par l’usage qu’on en fait.
Sont ainsi apparus dans notre langue toute une série de mots qui interrogent. Les mots alibis qui sont devenus caution de réalités bien différentes de leur sens propre, tels « laïcité » ou encore « démocratie ».
Sont ainsi apparus dans notre langue toute une série de mots qui interrogent. Les mots alibis qui sont devenus caution de réalités bien différentes de leur sens propre, tels « laïcité » ou encore « démocratie ».
Initialement garants de nos libertés, ils aboutissent, par un glissement
sémantique, à protéger voire cautionner, par dévoiements et
reculades, des contextes qui les menacent. Tel est le cas aussi de
« solidarité » qui trop souvent donne caution à l’assistanat.
Repérons encore les mots tabous, ceux que l’on ne peut plus utiliser sans
qu’ils prennent une connotation négative, sans que l’on se sente
marginalisé voire stigmatisé à les employer. Je pense à des mots comme travail,
autorité, sanction, citoyenneté, responsabilité…bref tous ceux qui font
référence à des valeurs. Citons encore les mots « dégénérés »
qui perdent leur sens à force d’aboutir au contraire de leur signifié et
ce du fait d’un décalage qui existe entre ce qu’ils veulent dire et ce
qu’on en fait. Tel « rationaliser ». Ce verbe est de plus en
plus évoqué pour expliquer par la Raison des projets qui aboutiront …au déraisonnable.
Je pense à la réforme territoriale raisonnablement
conçue à des fins d’économie et pour améliorer la démocratie locale et qui, les
constats le disent, a eu et aura des résultats quelque peu éloignés de ces
objectifs. Comment comprendre une telle la dérive de certains mots de
notre langue ?
Le propos de Jaurès affirmant que « Quand les hommes ne peuvent
changer les choses, ils changent les mots » peut être une
des explications d’une pratique qui apparaît dangereuse notamment pour la
cohésion du tissu social et la démocratie. Ce que pressentait Camus quand il
disait : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du
monde. » Il y a urgence à se convaincre, surtout pour la
transmettre au travers de l’éducation, qu’elle soit familiale ou scolaire, de
cette réflexion de Maupassant : « Quelle que soit la chose qu’on
veut dire, il n’y a qu’un mot pour l’exprimer, qu’un verbe pour l’animer et
qu’un adjectif pour la qualifier. »