Éditions Gallimard, 158 pages - octobre 2015
Dans un
stock virtuel, au milieu des polards.
Et puisque
je n’ai pas une grosse mémoire,
J’ai
recherché comment appréhender l’Histoire ;
Éviter les clichés
des contes officiels,
Qui sans
vraiment mentir, restent préférentiels ;
Avoir une
vision bien moins conventionnelle,
Que celle
des médias dans l'événementiel ;
Sortir de
ces bouquins trop universitaires
Qui nous
bourrent le crane d’une histoire linéaire.
Bref, tenter
de passer d’une histoire standard,
À celle qui
fait sortir les héros des placards.
C’est
avec Madame H. que je
trouve l’Histoire,
Vue par
Régis Debray, dans son propre miroir.
Son autobiographie,
apostrophant les faits,
Tels qu’il
les a vécus, qu’il les a visionnés ;
Juxtaposant
des hommes d’origines, de cultures,
Et d’époques
diverses, sortis de ses lectures,
Où qu’au
cours de sa vie, il a un peu connus,
Personnages
parfois qui me sont inconnus.
Inconnus !
Pas vraiment, juste que ma culture,
Comparée à l’auteur,
manque un peu d’envergure,
Et qu’il me
faut parfois pour comprendre ses mots,
Sortir de la
poussière, notre bon vieux dico.
Enfant d’une
défaite qu’il n’a pas digérée,
Debray ressent
la honte et toutes les lâchetés
Que l’amère
patrie semble lui avoir légué.
Il aurait
préféré naitre sous d’autres cieux,
En ville plus rétive et
au passé glorieux,
Qui l’aurait
célébré bien mieux que ses aïeux.
Une guerre
vengeresse aurait fait son affaire,
Mais même la
conscription lui fut une étrangère.
Il prétend
que la science des probabilités
Lui donnait
peu de chance d’une vraie notoriété.
N’entrant
pas dans l’histoire de sa mère patrie,
Il est
désabusé, voire même un peu aigri.
Se voyant
quelque peu inadapté social,
Pour se
faire remarquer, il cherche une martingale.
L’écriture
d’un beau
livre parait inévitable,
Mais une belle
guerre lui semble incontournable.
Il aurait
donc voulu devenir ce Héros,
Dont on
parle partout avec des trémolos,
Et tant pis
si parfois on en faits un crypto,
Un faux
derche ou un simple mytho.
Il constate
qu’Évin fait des héros tronqués,
Enlevant à
certains ce qui les rapprochaient :
Malraux et Luky
Luke en perdant leur cibiche,
Laissent
doucement la place aux fumeurs de haschich.
Adieu pipe
billard, chibouques et cure pipe,
La clope
électronique devient le génotype.
Il décrit,
nostalgique, ces usages passées
Qui sont propitiatoire
à l’action de pensée.
Si pour lui,
l’ère
chrétienne atteint son terminus,
Son
démantèlement fut sournois processus.
Quittant le
monastère pour le dojo bouddhiste,
L’examen
de conscience devint apathéiste.
Une décrispation réduisit
les
contraintes,
Le faire
américain imposa son empreinte.
Le packaging
d’abord, l’âme est sans intérêts.
Et le
cycle païen, en rond, nous fait tourner.
La
profession d’auteur est pleine de déboires,
Poètes
et pamphlétaires
ne prêchent plus l’espoir.
Coincé dans
un présent qui ne sait plus l’histoire,
Face à un
avenir qui lui paraît bien noir,
Il semble
résigné à cette évolution :
Madame
H. comme Hachich et Hallucination.
Le hashtag l’emporte
sur notre réflexion,
L’image
forte, à présent, est seule religion.
Il aurait
bien voulu écrire l’avenir,
Mais il
s’est fait piéger, ne sachant pas mentir !
Sentant la
fin venir, il s’autobiographie ;
Est-ce un
faux testament pour quelques faux amis ?
Évolution :
choisie ou subie ?
Parce que
l’Éducation, fut-elle Nationale,
Remplace
Humanité et Fondement Moral,
Par une
laïcité qui mit dieu(x) au placard,
Et découvre
aujourd’hui que dieu à ses hussards.
Nous étions
des croyants, nous sommes des Charlie.
Nous avions
un seul Dieu, nous avons plein d’amis.
Croyant
ressusciter pour une vie éternelle,
Nous serons
recyclés à travers nos poubelles.
Avec un
minaret à la place du beffroi,
Nous seront réveillés
par un ayatollah.
Demain notre
angélus s’appellera adhan,
Et nous
serons français, laïc … et musulmans.
Car notre humanité
se mute en soumission,
Et adieu
bikini, alcool et saucisson !
L’auteur
Sa vraie
biographie est certes plus complète,
Même si avec
le Che, elle est très imparfaite.
Notez qu’il
fut un temps, pour le Pacifique Sud,
Chargé par
Mitterrand, de notre francitude.
Mais est-ce
une période qu’il préfère éluder
Pour l’avoir
traversée avec les yeux fermés ?
Ou qu’un
haut fonctionnaire s’oblige à enterrer
Quelques
secrets d’histoire manquant de dignité ?
L’Histoire
Ainsi en recherchant
une vision de l’Histoire
Qui, dans
notre avenir, mettrait un peu d’espoir,
J’ai trouvé
dans ce livre au moins une certitude :
Suivant que
l’on recherche, ou non, ses turpitudes,
Ou bien
qu’on s’intéresse à ce qu’elle a de mieux,
Chacun peut
lui faire dire, à peu près, ce qu’il veut.
Car si les
faits réels restent incontournables,
Leurs actes
fondateurs sont souvent discutables.
Pour la
Calédonie
La leçon de
l’ouvrage, pour notre beau pays,
Est en fait
de savoir quelle dérive on subit.
On a beau
vivre ensemble et se congratuler,
Le « France coloniale » doit être éradiquée,
Et rendre
aux kanaks leurs terres sacralisées ;
Faire des
autres ethnies des sujets coutumiers.
Car notre
république, pleine de bonnes intentions,
Idolâtre une
ethnie sur l’autel des nations.
Des droits
différenciés, basés sur la naissance,
Donne au
peuple « premier » une vraie préférence.
En devenant
Charlie, on n’est pas plus Kanak,
À être trop
gentil, on devient tête à claques !
La raison du plus fort est toujours la
meilleure,
Mais elle ne
passe plus par les mêmes valeurs.
Celle qui
communique et provoque le buzz,
Embellie son
Histoire et la rend victorieuse.
Aphorisme :
Cette phrase (revisitée) de Madame H.
me semble bien résumer notre vision actuelle du pays et l’inquiétude que nous
avons à l’égard des promesses formulées par les politiques : « Nous avons un rapport intellectuel à
l’avenir de la Nouvelle Calédonie, et un rapport affectif à son passé.
D’où la précarité des projets de société, dont la date de péremption est à
peu près celle du yoghourt. »