Inspirations :
Le retour d’Ataï
Antoine
Leca, professeur agrégé de droit.
RJPENC
n°24, -2014/2
Deux
crânes se morfondaient, parmi plusieurs milliers,
Très
bien répertoriés, dans le fonds d’un musée.
Sont-ils
ceux d’Ataï et de son grand sorcier ?
Qu’importe,
pour le symbole, faut les restituer !
Depuis
combien d’années furent-ils réclamés ?
Et par
qui, et pourquoi, dans qu’elle finalité ?
Ce
n’est pas mon propos de faire une polémique,
De ce
qui précéda cet acte politique.
C’est
surtout la méthode de leurs restitutions1
Qui
mérite, à mon sens, qu’on se pose des questions.
Sur la
forme d’abord, qui pour être officielle,
Comporte
des hiatus qui vraiment interpellent.
Ensuite
sur le fond, puisqu’un État de droit,
Par
son gouvernement, s’affranchit de la loi.
Sur la forme
Pour
noyer le poison d’une pensée socialiste,
Qui
tend à soutenir les indépendantistes,
Cette
restitution se fit à la famille,
Donnant
aux pro-Kanak l’occasion de bisbilles.
La
ministre a tenté un discours apaisant,
Mais a
eu en retour celui des descendants,
Une
harangue violente à l’égard de la France
Rappelant
un seul but : une pleine indépendance.2
Le
sénat coutumier, lui-même, fut épinglé,
Sans
qu’aucun sénateur ne réclame le respect.
L’État
fait des efforts pour être équidistant,
Mais il est entrainé par son propre
courant.
Ces discours
escortaient deux cercueils reliquaires,
Qui
furent, chacun, porté par quatre vacataires.
Pourquoi
autant de bras, pourquoi un tel volume ?
Ces
crânes pesaient-ils aussi lourd qu’une enclume ?
Certes
il fallait donner une certaine majesté
À la
mémoire d’un homme qui fut un grand guerrier.
L’état,
de cette façon, sacralise une pratique,
Une
coutume kanak en forme liturgique.
La république, laïque envers les religions,
Devient-elle des coutumes une sorte de
bastion ?
Sur le fond
Il
faut savoir qu’en droit, un homme mort n’est rien.
Ses
restes sont objets, « biens meubles », à qui les tient.
Ainsi la
république, par le biais d’un musée,
S’appropria
les crânes d’Ataï et son sorcier.
Propriété
publique, en droit, inaliénable,
Leur
cession n’est possible que par une voie légale.
L’assemblée
Nationale devait l’autoriser,
En
clair, il eut fallu un vote des députés.
Ce fut
d’ailleurs le cas pour quelques précédents,
Sans
que cette procédure ne gêne en rien les gens.
Mais
les calédoniens, n’étant pas concernés,
Ne s’y
sont, à l’époque, jamais intéressés.
La
ministre, aujourd’hui, l’a bien sûr négligé,
Considérant,
de fait, ce retour comme inné.
Et les
calédoniens lui emboitèrent le pas,
Jugeant
bien inutile un débat pour cela.
Les crânes des kanaks seraient-ils si
sacrés
Que la loi puisse vraiment n’être pas
appliquée ?
Ainsi
dans ce pays qui est toujours Français,
Le « droit
commun » fait place au « droit particulier ».
Un simple droit oral, aux contours
mouvants,
L’emporte sur un droit, écrit et
structurant.
Prémices ?
Un
éminent juriste à commenter cet acte, 3
S’interrogeant,
en droit, sur son futur impact.
Il
reste cependant, juridiquement, français,
Et
raisonne dans un cadre fortement structuré.
Cependant
ces deux droits ont été transférés,
Et
sont de compétence, aujourd’hui, du congrès.
Que
feront nos élus de cette dichotomie,
Dans
la législation, pour construire le pays ?
Si la Coutume est
loi, le droit n’est plus commun,
Et ça va compliquer l’unité
de destin !
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1/ Le crâne d'Ataï, chef rebelle kanak, officiellement
restitué à sa famille.
Dépêche AFP du 28 Août 2014
Après
135 ans passés en métropole, les reliques du grand chef kanak Ataï, rebelle
décapité le 1er septembre 1878 en Nouvelle-Calédonie et personnage toujours
emblématique sur sa terre natale, ont été officiellement restituées jeudi à
Paris à ses descendants.
C'est
au Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN), où le crâne d'Ataï et celui de
son compagnon "sorcier" étaient conservés, que la cérémonie s'est
déroulée, en présence de la ministre des Outre-Mer George Pau-Langevin, du
Sénat coutumier kanak et de Bergé Kawa, descendant d'Ataï et grand chef du
district de La Foa, sur la côte ouest de l'île.
"J'ai
attendu ce moment pendant de longues années, je commençais à désespérer...",
a lancé Bergé Kawa, exprimant sa gratitude mais aussi son "malaise".
"Car
ces reliques nous renvoient à notre propre réalité: deux peuples, deux cultures
qui n'ont jamais cessé de s'affronter et s'affrontent encore aujourd'hui",
a martelé le chef kanak au cours d'un long plaidoyer pour que l'Etat français
"applique enfin" l'Accord de Nouméa sur le transfert de compétences.
Mme
Pau-Langevin a quant à elle rappelé que l'accord de Nouméa reconnaissait
explicitement "le choc de la colonisation" et les traumatismes subis
par la population kanak, souhaitant que la restitution d'Ataï puisse ouvrir une
nouvelle voie vers la réconciliation.
"Je
comprends l'émotion évoquée ce matin, mais nous devons travailler de manière
très méthodique", a dit la ministre, qui se rendra avec le président
François Hollande en Nouvelle-Calédonie durant le mois de novembre.
L'histoire
d'Ataï, figure du combat indépendantiste, débute en 1878, 25 ans après la prise
de possession de l'archipel par la France. "Protecteur du clan", le
grand chef avait pris la tête d'une révolte dans la région de La Foa, pour
protester contre les spoliations foncières de l'administration coloniale,
doublées cette année-là d'une autorisation donnée aux colons et bagnards
affranchis de faire paître leur bétail sur les terres cultivées par les tribus,
confinées dans des "réserves".
Pour
mater la rébellion, qui fit plus d'un millier de morts chez les Kanaks et 200
Européens, l'armée s'était adjointe des supplétifs de Canala, dans l'est. Le
1er septembre 1878, l'un d'eux, dénommé Ségou, tue Ataï, lui tranchant la tête
et la main droite.
Comme
les scientifiques de l'époque se passionnent pour l'anthropologie physique, le
crâne du chef kanak est placé dans un bocal d'alcool et expédié à Paris pour y
être étudié et classé au Musée d'ethnographie du Trocadéro.
Ses
descendants doivent le rapatrier, ainsi que celui du "Sorcier", en
Nouvelle-Calédonie le 2 septembre. Les reliquaires seront déposés à la tribu de
Petit Couli à Sarraméa pendant un an, jusqu'à la tenue de nouvelles cérémonies
pour la "levée de deuil".
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2/ Retour du chef Kanak Ataï : Le discours d’une vie.
Source : Agence locale de presse, 28/08/2014
Extrait
D'une voix douce, parfois inaudible, le
chef Kanak a profité de ce moment historique pour vider son sac et regler son
compte à la France. Bousculant le protocole et les horaires, le grand chef qui
commençait « à désespérer de ne pas voir de son vivant le retour de son
aïeul en Calédonie » n’a pas mâché ses mots « Ces reliques nous renvoient à notre réalité :
deux peuples différents qui s’affrontent toujours sur des enjeux politiques et économiques.
Nous ne pouvons pas nous dérober d'un passé douloureux, et il y a des
cicatrices centenaires encore vives qui ne pourront se refermer ». Et d’énumérer
les noms de Machoro, Tjibaou et Yeiwehe Yeiwene. « Où est la place de
l'homme au pays des droits de l'homme ? Ni les accords de Matignon, ni ceux de Nouméa,
ni l'usine du nord n’ont avons aujourd’hui réduit les injustices. Le peuple
Kanak est sinistré dans son propre pays, et ce n’est pas le gouvernement
anti-kanak que nous qui va faire évoluer les choses. Nous avons été spoliés par
l'État français, et je demande au président de la République la restitution des
terres aux habitants. » Le sénat coutumier na pas été épargne, lui non
plus : « il est parasité par des politiciens ambitieux ! » Dans
l'assistance, beaucoup ont commencé à décrocher.
Alors qu’il abordait les problèmes de
pollution causés par l’usine du sud, après déjà quarante minutes de discours
(le protocole en prévoyait 10), serge Kawa a été invité, poliment mais fermement,
à conclure. Ce qu'il a aussitôt fait en lançant un surprenant « Vive la
France! Vive la Kanaky ! » Le discours d'une vie avait été prononce.
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3/ « Le retour
d’Ataï : réflexions juridiques autour d’un rapatriement dans des formes
juridiques impliquantla substituion du droit civil coutumier kanak au droit
français. »
Par
Antoine Leca, professeur agrégé de droit dans la Revue Juridique, Politique et
Economique de Nouvelle Calédonie.
RJPENC
n°24, -2014/2 (au prix de 1 700 Cfp chez les marchands de journaux ou en
librairie)
Pour ceux qui n’ont pas accès à cette
revue une interview de l’auteur dans les Nouvelles Calédoniennes.
Les Nouvelles Calédoniennes du
02/10/2012
Interview : Antoine LECA,
professeur agrégé de droit.
« Pour Ataï il faut une
loi »
Invité du colloque à Nouméa sur le «
Patrimoine naturel et culturel de la Nouvelle-Calédonie, aspects juridiques »,
Antoine Leca a présenté ses réflexions autour du projet de restitution du crâne
d’Ataï. Des pistes sont suggérées. Rencontre.
Le professeur Antoine Leca est directeur du Centre de droit de la santé
d'Aix-Marseille. Photo Y.M
Les Nouvelles calédoniennes : Quel est l’environnement juridique autour
du projet de restitution du crâne d’Ataï ?
Antoine Leca : La tête a fait l’objet d’une appropriation muséale, elle
est donc devenue un bien du domaine public, en principe inaliénable.
L’analyse peut surprendre et choquer, mais c’est quelque chose de très
répandu : les momies, les squelettes, les restes humains, anonymes ou
identifiés, sont très nombreux dans nos musées.
Quels « outils » existent pour concrétiser ce projet de retour ?
Pour que le crâne revienne en Nouvelle-Calédonie, il faut un
déclassement, c’est-à-dire un acte qui le fasse sortir du domaine public. Ce
déclassement ne peut s’opérer que par une loi. Une loi spéciale, comme pour la
« Vénus hottentote » en 2002 ou les têtes maories en 2010. On pourrait
également imaginer une loi générale, statuant sur le sort des restes humains.
C’est la thèse que j’ai voulu défendre lors du colloque sur le « Patrimoine
naturel et culturel de la Nouvelle-Calédonie, aspects juridiques ».
Sur quels autres exemples la Nouvelle-Calédonie pourrait-elle s’appuyer
pour construire sa démarche ?
A la fin des années 90 est intervenue la restitution des restes de
quatre Indiens Charruas originaires de l’Uruguay. C’est un exemple.
Des vides juridiques se font-ils jour sur ces questions ?
Il n’y a pas de statut particulier pour les restes humains dans les
collections muséales. C’est une curiosité juridique. Les « pièces » dans les
musées sont donc des objets muséaux. On ne distingue pas les objets d’art des
restes humains et tout ce qui y est associé. Par exemple, jusqu’au début du XXe
siècle, on rajoutait à un masque traditionnel kanak des cheveux d’origine
humaine. Dans certains pays, des objets d’art étaient réalisés à partir de
restes humains : crâne sculpté, flûte avec l’os du tibia... Toutes ces
catégories sont mélangées dans les musées, ce sont des biens publics. Il serait
intéressant, me semble-t-il, qu’existe un statut juridique pour ces restes
humains.
Des pays ont-ils déjà travaillé voire avancé sur cette problématique ?
Oui, l’Angleterre. En 2004, le Royaume-Uni a donné un statut juridique
aux restes humains. Cela permet, dans certaines conditions très restrictives,
de restituer lesdits restes aux personnes qui auraient un intérêt légitime à
faire valoir. Etant précisé qu’une des conditions de base est : les restes sont
restitués pour être ensevelis, pas pour être exposés ailleurs, ce n’est pas un
transfert. C’est ce qui s’est passé pour les têtes maories et la « Vénus
hottentote». Le retour sur leur terre fut marqué par des cérémonies
d'inhumation.
La grande interrogation, relative à la restitution du crâne d’Ataï,
demeure celle liée à la recherche du consensus local ?
Une grande question est : à qui va-t-on restituer le crâne ? Il faut un
consensus local.
« Une sorte de test, ce retour »
Tué le 1er septembre 1878 par un auxiliaire de Canala, le grand chef
Ataï est devenu l’incarnation de la révolte kanak. La nouvelle était tombée
début juillet 2011 : le moulage de la tête du guerrier ainsi que son crâne sont
conservés dans les réserves du musée de l’Homme, à Paris. L’État semble
favorable à la restitution, mais souhaite une démarche consensuelle. Autrement
dit, un accord unanime doit être trouvé entre les descendants, les clans, le
Sénat coutumier, l’ADCK, la province et le gouvernement. Et ce, afin d’éviter
bien entendu des troubles ou récupérations.
Une question surgit néanmoins : ce retour du crâne, peut-il se faire
juste à l'aube d'échéances politiques essentielles ? « Si on a la capacité de
gérer cet événement d'un point de vue coutumier et politique, on montre que
l'on est adulte, que l'on a besoin de personne. C'est une sorte de test, ce
retour », avait indiqué aux Nouvelles, Emmanuel Kasarhérou, chargé de mission
au musée du Quai Branly. « Une nouvelle fois, je suis persuadé que l'on y
arrivera, de manière juste et équitable pour tout le monde. »
Propos recueillis
par Yann Mainguet
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INCROYABLE!
RépondreSupprimerINDISCUTABLE!
FORMIDABLE!
........
HALLUCINANT
AINSI VA NOTRE TEMPS...