mercredi 26 mars 2014

Corps électoral spécial : liste noire !

Lecture : « Le destin commun à l’épreuve du corps électoral
en Nouvelle Calédonie » - Hamid Mokaddem - (2007) cliquer ici

à lire aussi en fin de post
LNC du 03/03/2014 : « Le bal des révisions »

Quelle maladie touche ce corps électoral,
Pour lui fournir ainsi un pool chirurgical ?
Une douzaine de juriste ont fait leurs analyses
Sur la base d’un droit que certains cristallisent.
Pourtant le droit varie, comme la Constitution,
Tant en fonction des hommes, que des situations.

Les échanges politiques agacent l’électeur,
Chacun défends son camp avec beaucoup d’ardeur.
Mais cette donne-là est bien souvent biaisée
Par quelques spécialistes « qui font autorité ».
Ils usent très souvent de méthodes éprouvées :
Ils trient dans le passé pour asseoir leurs idées.

Hamid Mokaddem en est un bel exemple.
Au gré de ses croyances,  il bâtit son temple,
Dont les piliers porteurs sont sur sables mouvants,
Et risque, par erreur, d’écraser bien des gens.
Forçant les références et autres citations,
Il fait croire que beaucoup partagent sa vision.

Dans un papier écrit, voici déjà sept ans,
Il donne les contours du peuple de votants.
Il explique, sans fard, que la démocratie
Ne vaut que par le peuple qui « seul » se défini.
Sauf que par le peuple, il entend une ethnie,
Qui, par un droit inné, est la seule investie.

J’apprécie l’analyse largement détaillée,
Digne d’un professeur à l’université.
Histoires, populations, génocides et ethnies,
Démocraties, coutumes, terres et colonies,
Nourrissent un propos nettement structuré
Autour d’une idée fixe qui s’est mondialisée.

Il rappelle, bien sûr, nombre de vérités,
C’est ce qui fait la force de ce genre de papier.
Mais je reste perplexe, et même déboussolé,
Par les divers sophismes qui s’y trouvent mêlés.
Par certains postulats qui se veulent honorables,
Mais condamnent d’avance la puissance coloniale.

Refusant les lumières d’une colonisation,
Pour ne voir que l’ombre d’une civilisation ;
Partant du postulat, mondialement répandu,
Qu’un « peuple singulier » a des droits absolus ;
L’auteur nous explique toutes les imperfections
D’une démocratie qui déjoue ses options.

Voici au fil du texte, mes propres commentaires,
Que m’inspira ce texte, quelque peu doctrinaire.

1 / « Corps électoral contre politique migratoire »
L’auteur dit de l’Histoire qu’elle est plutôt réduite,
Et pleine de poncifs évolutionnistes,
Qu’elle commence avec Cook, parle des migrations,
Fait des calédoniens une seule population.
Des groupes austronésiens, il dit l’ancienneté,
Et du peuple Kanak, ses trois milliers d’année.

Mais que s’est-il passé durant cette période,
Pour que des seuls kanak, on fasse ainsi l’éloge ? 
Combien de groupes ethniques et autres allochtones
Vinrent, sur cette terre, métisser leurs personnes ?
Et pourquoi accepter ces fusions antérieures,
En rejetant le blanc comme un envahisseur ?

Parce que l’État Français chercha à « faire du blanc »,
Faut-il discriminer  plusieurs sortes de gens ?
Un choix qualitatif par le « lien à la terre »
Pourrait rendre apatride nombre de « gens sans terre ».
Vouloir différencier « ethnie », «population »,
« Peuple » et « communauté » dans cette digression,
Impose de le faire pour « terre », « pays », « nation »,
« État » ou « territoire » sans aucune exclusion.

L’insurrection kanak a la même valeur
Que la Révolution, affirme cet auteur.
Les révolutionnaires étaient, certes, rebelles,
Mais portaient des valeurs plutôt universelles.
Vouloir les comparer pourrait ressusciter
Une vieille guillotine qui tue sans discerner.

L’auteur a bien raison de nommer « politique »
L’impossible équilibre en terme « démographique ».
Le corps électoral est arme de pouvoir
Qui peut tuer autant qu’une hache ostensoir,
Si une minorité devient majorité.
Le pays perd en force et en diversité.

2 / « Conflits ethniques ? »
Si la population est bien pluriethnique
Les groupes sont nombreux et plutôt éclectiques.
Mais son propos oppose un envahisseur blanc,
À un monde Kanak qui reste bien vivant.
Ainsi le métissage devient une frontière
Entre « peuple kanak » et « ethnies étrangères ».

On comprend tout à fait qu’ayant longtemps souffert,
Ils s’érigent en « peuple » et pensent à la guerre.
Mais oser comparer les génocides anglais,
Avec les agissements de notre État Français,
C’est faire l’amalgame d’une extermination,
Avec des tentatives de pleine intégration.

Les locuteurs Kanak ne parlaient pas « racisme »,
Mais ils identifiaient tous les antagonismes,
Qualifiaient l’ennemi, les armes et puis la mort,
Et ils pouvaient tuer, sans le moindre remord.
Alors pourquoi ne mettre qu’à la charge des blancs
Le moindre souvenir pointé comme dégradant ?

Si le Kanak « inclus » l’étranger dans ses rangs,
C’est par « stratégie », c’est parce qu’il est « prudent ».
Il « ruse et dissimule » pour défendre son clan.
C’est un jeu politique sans aucun sentiment.
Cette pratique existe depuis la nuit des temps,
Et reste utilisée dans tout gouvernement.
« L’équilibre social », qui est source de paix,
N’est pas du « monde Kanak » une exclusivité.

L’auteur qualifie les « racines historiques »
Par le « lien à la terre », le lieu géographique,
Fixé par les « réserves » ou le droit coutumier,
Mêlant les droits français à quelques droits innés.
Il transforme un concept au sens religieux
En un droit politique du genre acrimonieux.

Si l’auteur n’a pas tort, il n’a pas plus raison,
De faire des non-kanak un peuple d’occasion
Qui revendique la terre parce qu’il la travaille.
Et se forge une histoire, sans aïeul qui vaille.
Il oublie les valeurs dites républicaines,
Dont la source réelle est judéo chrétienne.

Il enfonce le clou sur les communautés,
Prend un malin plaisir à les différencier,
Accuse le politique, et l’administration,
D’avoir coupé en deux notre population.
Mais il nourrit lui-même cette course au pouvoir,
Qui joue sur les ethnies jusque dans l’isoloir.

Les indépendantistes en usent à l’extrême,
À l’international, lancent leurs anathèmes.
Le corps électoral, outil démocratique,
Devient caricature d’une primauté ethnique.
Si la question restait à l’échelon local,
Le fait d’être Français serait-il infernal ?

3 / « Démocratie et/ou Colonie ? »
Malgré la restriction du corps électoral,
Les Kanak n’obtiendraient qu’une place minimale.
Kanaky n’aurait pas toute la reconnaissance
Qu’officiellement il faut … pour une indépendance.
Car seuls les Sénat et Conseils coutumiers
Leur permet d’exprimer leur propre identité.

L’auteur ici occulte le fait qu’ils sont présents,
Dans les institutions où siègent d’autres gens.
Élus dans les communes, aux Provinces, au Congrès,
Certains sont Sénateurs et d’autres députés …
Parmi eux il en est qui sont des pro-français,
Et bien qu’ils soient kanak, osent ainsi l’affirmer.

L’accord de Nouméa évita bien une guerre,
Et devait rapprocher les deux camps adversaires.
En trompant une partie de la population,
Il nous mène aux confins d’une vraie sécession.
Ni vainqueur, ni vaincu ? Personne n’a rien vu,
Mais nous sommes devenus, pour la France, incongru.

Notre démocratie, avec « un homme, une voix »,
Est loin d’être parfaite, mais reflète des choix
Faits en toute liberté par chaque individu,
Sans attendre les ordres venant de la tribu.
Car l’auteur, le dit bien, le « consensus oral »
Enferme les Kanak dans un vote tribal.

Le corps électoral deviendrait inutile,
Si le seul consensus imposait les édiles.
Le « rituel de l’urne », « individualiste »
Se mêle au consensus qui est « collectiviste »,
Et le Front National, dit de libération,
Cache mal son racisme dans ses propositions.

« Ce socle, ce fondement, ce fond », nous dit l’auteur,
C’est le « peuple kanak » dans toute sa splendeur !
L’accord de Nouméa ne vaudrait que par eux,
Leurs revendications seraient le seul enjeu !
N’exclut-il pas, de fait, le droit des autres gens
Qui ne seraient, pour lui, que de simples occupants ?

Sous la plume de l’auteur, c’est vraiment élogieux,
D’accuser des « nantis » et autres « tenants lieux »
De jouer sur les mots pour défendre leurs vues,
Lui qui noie les concepts dans les malentendus.
Son « historicité » chasse la démocratie,
Et donne l’indépendance au profit d’une ethnie.

Quel « destin commun »?
Là, l’auteur fait son tri en trois catégories.
Tout d’abord il s’en prend à la « démocratie » :
Outil capitaliste, opposant les ethnies,
Force parlementaire source de nos conflits,
Système normatif plutôt autoritaire,
Enfermant « l’électeur » dans un marché pervers.
En fait il lui démontre qu’il ne choisira rien ;
Que quelques «politiques » s’arrogent son destin.

Puis l’auteur revient sur la grande confusion
De la notion de « peuple », son « indistinction ».
Un peuple ne pourrait être, en soi, « quantifié ».
« Singulièrement », il faut le « qualifier ».
Il déplace le constat d’un décompte de voix
Vers un travail d’experts légitimant des choix.
Considérant d’emblée que Kanaky fait loi,
Que le destin commun ne vaut que par leur droit.

L’histoire Calédonienne n’aurait qu’un seul « sujet »,
Ni une population, ni une communauté,
Encore moins une ethnie : un « peuple singulier »
Qui a redécouvert sa « propre identité ».
Mais cette identité comment s’est-elle forgée ?
Sur diverses valeurs puisées dans le passé,
Mais aussi par contact avec d’autres cultures,
Au point de confiner à la caricature.

Est-ce bien suffisant pour justifier le fait
Qu’un corps électoral soit ainsi raboté ?
Pour donner au « Kanak » une prime à l’ancienneté,
Et scléroser la terre parce qu’ils y sont nés ?
Les « autres » suivront-il ce peuple souverain,
Dans un «destin commun » au contour incertain ?

Pour conclure son propos, il veut faire appliquer
Ce que sous d’autres cieux il vilipenderait :
Bloquer l’intégration de quelques immigrants,
Qui à l’indépendance seraient des opposants.

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Bio express
Hamid Mokaddem est professeur agrégé de philosophie, en poste à l'Institut de la Formation des Maîtres de la Nouvelle-Calédonie (IFMNC). Il réside, vit, travaille et œuvre en Nouvelle-Calédonie depuis mars 1989. Auteur d'ouvrages et d'articles scientifiques sur l'Océanie, il est également éditeur. Hamid Mokaddem entreprend une investigation de longue haleine sur la constitution de l’espace public en Nouvelle-Calédonie contemporaine. Constatant que les enquêtes et les essais ne constituent pas le domaine de prédilection de l’édition calédonienne, il mit en place une édition, Expressions, qui publia des travaux d’auteurs kanak et les siens.

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Les Nouvelles Calédonniennes du 03/03/2014
Le bal des révisions

Les commissions administratives de révision des listes électorales commencent à siéger aujourd’hui dans un contexte de tension et de divergences inédit. Il faudra s’attendre, en avril, à une série de contestations devant le tribunal de Nouméa.

Réunies jusqu’en avril, les commissions de révision des listes électorales, supervisées par un magistrat, vont examiner les listes des 263 bureaux de vote et les cas litigieux.

C’est à partir de ce matin, notamment dans des communes du Grand Nouméa et de la Grande Terre, que les commissions de révision des listes électorales se réunissent en Nouvelle-Calédonie. Leur travail va se poursuivre, bureau par bureau, jusqu’au début du mois d’avril.

Les présidents
Ces commissions sont présidées par un magistrat de l’ordre judiciaire. Douze d’entre eux sont arrivés de Métropole en fin de semaine dernière. Ils ont été désignés par la Cour de cassation.
Les autres années, leur nombre n’était que de six. Mais il a été doublé cette année, compte tenu de l’enjeu tout particulier des élections provinciales de 2014. Le Congrès qui en sera issu aura la capacité de déclencher, ou pas, les référendums d’autodétermination. Cet enjeu est encore accru par les 6 720 demandes de radiation que déposera le FLNKS.

Composition
Les commissions de révision des listes électorales sont composées de cinq personnes. Un magistrat qui la préside, un représentant du haut-commissariat, un représentant du maire de la commune concernée, et deux électeurs de la commune. Traditionnellement, l’un de ces électeurs était membre du Rassemblement et de sensibilité non-indépendantiste, l’autre proche du FLNKS et de sensibilité indépendantiste. Cette année, la sensibilité non-indépendantiste sera représentée par des membres du Rassemblement, mais aussi de Calédonie ensemble et du MPC de Gaël Yanno. Les différents partis loyalistes ont décidé de créer une cellule juridique commune pour harmoniser l’argumentaire de leurs représentants.

Le vote
Chaque commission étant composée de cinq membres, les décisions d’inscrire ou de radier un électeur se font à la majorité d’au moins trois voix sur cinq.

Trois phases
La tenue des commissions doit se dérouler en trois phases. Dans un premier temps, il s’agira d’examiner les listes de chaque bureau de vote (il y en a 263), les demandes d’inscription nouvelle et celles de radiation.
Dans un deuxième temps, s’il y a des cas litigieux, les commissions peuvent demander des éléments complémentaires d’appréciation. C’est la phase de recours gracieux.
Dans un troisième temps, les listes sont arrêtées. Peut ensuite intervenir une phase de recours contentieux devant le tribunal de première instance.

Cadrage
L’Etat a dressé une circulaire de cadrage à l’intention de ses représentants qui siégeront dans les commissions. On y retrouverait l’esprit de la déclaration de Jean-Marc Ayrault (la légitimité de l’inscription sur la liste spéciale doit s’apprécier au regard de la liste générale de 1998 ou par tout autre moyen permettant d’établir l’installation à cette époque).
C’est sur une lecture beaucoup plus stricte que sont fondées les demandes de radiation faites par le FLNKS. La liste et seulement la liste.
Mais on ne sait pas encore comment les magistrats (indépendants du pouvoir politique et de ses directives) interpréteront les textes et la jurisprudence récente de la Cour de cassation.

ONU
Une mission de l’ONU va venir pour assister à ces commissions, mais pas pour les « contrôler ».
Une longue et épineuse histoire
La composition du corps électoral est historiquement au centre des enjeux en Calédonie, où des vagues d’immigration successives ont mis en minorité le peuple autochtone kanak qui n’a obtenu le droit de vote qu’en 1946.
Il y a eu d’abord le bagne et la déportation de 22 000 prisonniers, puis la découverte du nickel et l’appel massif à une main-d’œuvre extérieure. L’indépendance de l’Algérie a ensuite entraîné une arrivée importante de pieds-noirs, il y eut parallèlement celle des Wallisiens et Futuniens.
En 1972, le Premier ministre Pierre Messmer avait, dans une circulaire, évoqué explicitement la colonie de peuplement (particulièrement des femmes) comme un moyen de diluer la revendication nationaliste des autochtones.
C’est pour toutes ces raisons que les indépendantistes ont demandé et obtenu des restrictions, puis le gel du corps électoral des provinciales, ainsi que celui du référendum.
Si de nouveaux arrivants s’installent, au-delà d’une certaine date, ils ne peuvent participer aux scrutins déterminants. C’est la fin juridique et électorale de la colonie de peuplement. Mais l’interprétation des textes et de la jurisprudence alimente les antagonismes.
Ph.F.

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